Quelles conséquences de la crise sur l’emploi ?

La crise sanitaire, soudaine et brutale, l’a été également pour le marché de l’emploi. Les 715 500 suppressions d’emploi annoncées au premier semestre 2020 ne constituent qu’une représentation grossière et en trompe l’œil de la situation puisqu’elle omet tout une partie des individus : le « halo du chômage » avait progressé de 1,8 million d’individus fin 2019 à 2,9 millions au deuxième trimestre 2020 tandis que le sous-emploi avait augmenté de 18,8% à 28,9% à la même période[1].

Au deuxième semestre 2021, le chômage était quasiment identique à son point avant l’irruption de la crise sanitaire fin 2019, à 8,0% de la population active en France (hors Mayotte)[2]. Dans certaines fonctions ordinairement dynamiques, la valse des recrutements au deuxième trimestre 2021 avait secondé le gel des embauches, synonyme de statu quo de part et d’autre du marché de l’emploi du fait du doute ambiant quant à la crise sanitaire.

Pourtant, ce rebond à la suite de la crise est contrasté en fonction des secteurs, des individus et des régions. Il touche davantage les métiers de l’industrie et des services que ceux de l’automobile, de l’aéronautique et des métiers de l’évènementiel, de la culture et de la restauration tandis que la crise impacte encore plus durablement les personnes les plus éloignées de l’emploi. 

Si cette crise conjoncturelle a requis la mise en place de mesures dites « d’urgence » et qui ont permis de sauvegarder une partie des emplois menacés, elle a également mis en relief les difficultés structurelles sous-jacentes qui devront être traitées en profondeur aux cours des prochaines années.

Nos propositions se concrétisent autour de trois axes principaux :

Proposition n°1 : A court-terme, affiner les dispositifs de soutien mis en place pour l’emploi

Largement bienvenues lors de l’incertitude et de l’urgence du mois de mars 2020, les mesures proposées aux entreprises pour le maintien de l’emploi doivent dorénavant être plus mesurées et ajustées. En effet, les pouvoirs publics ne peuvent plus se permettre de « saupoudrer » l’économie française d’aides financières. Aussi, garantir un régime de droit commun de l’activité partielle - restant à la charge de 40% pour les entreprises - pour tous types d’activités ne constitue pas un gage d’équité, mais plutôt un acte délétère pour les secteurs et les individus les plus directement impactés par les conséquences des restrictions sanitaires. Les dépenses publiques purement incitatives ne sont pas les plus efficaces pour les catégories de populations de demandeurs d’emploi les moins fragiles.

En contrepartie, ces aides doivent être davantage soutenues pour les entreprises les plus touchées à 100%, sans pour autant multiplier ces mesures auprès des entreprises « zombies », mais davantage en identifiant celles dont la survie après la crise pourra être durable.

Ceci s’applique aussi aux étudiants, dont 58% d’entre eux avaient perdu, réduit ou changé leur emploi au cours du premier confinement[3], et qui ne peuvent pas prétendre aux dispositifs de chômage en place. Un revenu universel d’activité devra leur être consacré selon des modalités définies en tout équité.

Proposition n°2 : A moyen-terme, repenser l’accompagnement et l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi

L’incertitude de la crise sanitaire avait engendré un arrêt quasi-total des recrutements pendant la période du premier confinement, avec une baisse de 30 à 40% sur l’année par rapport à 2019. Les individus au chômage de longue durée ont donc été encore davantage écarté de l’accès à un emploi, touchant notamment les jeunes et les seniors ; et les chômeurs plus proches de l’emploi en mars 2020 avaient pu alors être considérés comme des chômeurs de longue durée suite à cet arrêt prolongé et soudain.

Il convient donc de prendre des mesures pour accompagner au plus proche ces individus et pour augmenter la densité des contacts entre ces derniers et les professionnels chargés du conseil à l’emploi. Il faudra aussi prévoir une aide au retour à l’emploi après une période prolongée d’inactivité pour anticiper au mieux la reprise de chacun, par des mentors ou un suivi complémentaire des services du Pôle Emploi. 

Proposition n°3 : À long-terme, résoudre les difficultés structurelles exacerbées par la crise

1.     Revaloriser les travailleurs des premières lignes

Certains métiers - le personnel soignant, les forces de l’ordre, les pompiers, les éducateurs, les professionnels de la distribution et autres - ont été particulièrement mis à contribution pour faire face à l’épidémie du Covid. Cette crise historique a mis en lumière leur caractère fondamental pour la nation mais aussi leur baisse d’attractivité, puisque souvent jugés difficiles et peu valorisés.

Les premières réformes engagées devront être perpétuées afin d’améliorer les conditions de travail et de salaire de ces métiers sur le long terme et de continuer à attirer des jeunes recrues pour subvenir à la demande croissante de ces activités.

2.      Accompagner les jeunes vers un emploi professionnalisant

Les jeunes diplômés ont été les plus impactés, trois quarts des destructions d'emploi enregistrées au premier semestre 2020 concernent des contrats à durée déterminée et des contrats intérim, qui sont surtout occupés par les jeunes[4]. Paradoxalement, près de 8 entreprises sur 10 qui prévoient de recruter au moins un cadre au 3e trimestre 2021 anticipent des difficultés pour recruter le bon candidat[5]Dès lors, comment faire en sorte que l'offre rencontre mieux la demande ?

L’offre de formation devra être rendu cohérente aux besoins actuels mais aussi futurs des entreprises en passant par des plans d’investissement massifs avec des résultats sur le long terme. Pour cela, une concertation massive entre les représentants de l’éducation nationale et supérieure ainsi que les acteurs des entreprises de tout type devra être organisée pour prévoir un plan de formation et d’investissement sur les prochaines années par ordre de priorité. 

[1] INSEE

[2] ibid

[3] Observatoire de la Vie Etudiante

[4] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/recrutement-post-covid-les-nouvelles-cles-pour-attirer-les-jeunes-892220.html

[5] Baromètre Apec