CR "Regards croisés sur les néo-banques"

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En présence de Julia Menayas, co-fondatrice d'Helios, Jérémie Rosselli, Directeur Général France et BeneLux de N26 et Timothée Lenoir, PR Lead France de N26.

Monsieur Alexandre Mancino, président du Cercle Orion, a d’abord introduit la conférence en rappelant que le Cercle a créé il y a deux ans un incubateur pour être proche de l’écosystème startup français et international. Le Cercle Orion s’articule aussi avec AimPact, do-tank et startup au service de l’action publique. Dans la continuité de cette volonté de rapprochement avec le monde de l’entrepreneuriat et de l’innovation, un cycle de conférences a été lancé et organisé aux côtés de Loreley Mac Donald à partir du mois d’octobre 2020 sur les thématiques startups.

Il s’agissait le 15 mars 2021 de la troisième conférence de ce cycle. La thématique à l’ordre du jour était celle des « néo-banques ». Loreley MacDonald menait l’échange avec les invités de la rencontre : Julia Menayas, co-fondatrice d’Helios et Jérémie Rosselli, Directeur Général France et Benelux de N26. Plusieurs questions ont été posées aux deux invités afin de nourrir un débat stimulant avec les membres du Cercle Orion.

Questions :

Loreley MacDonald: les sujets financiers sont importants depuis l’origine du Cercle Orion et sont très présents au sein du « Manifeste pour le monde d’après » où était déjà mentionné Hélios. Quel était votre parcours avant de rejoindre vos startups respectives ?

JuliaMenayas: Je suis co-fontarice et DG d’Helios. Je suis diplômée d’une école de commerce et de Sciences Po puis ai commencé ma carrière dans le conseil. J’ai ensuite rejoint le monde de la finance au sein de la BPI, puis en Afrique du Sud, chez Alven, avant de créer Helios il y a un an, avec deux cofondateurs issus aussi du milieu de la finance.

Jeremie Rosselli : Je suis diplômé de Telecom SudParis, j’ai commencé dans la finance chez Hawkpoint Partners en M&A, puis en stratégie chez Schneider Electric, avant d’effectuer un MBA à Chicago Booth. J’ai ensuite travaillé en business development chez Burger King pour finalement rejoindre N26 en 2016, dont je suis le DG France et Benelux.

Loreley MacDonald: Très bien, merci. Première question : quelle est la proposition de valeur de vos entreprises ?

Jeremie Rossellie : N26 a 6 ans, ce qui est jeune pour une entreprise du monde bancaire. Nous avons 7 millions de clients, ce qui traduit une forte croissance puisque nous en avions 200 000 il y a quatre ans. Nous détenons une licence bancaire et respectons la réglementation des acteurs traditionnels. N26 ambitionne de s’adresser à tout le marché, de devenir la banque du quotidien, que l’on utilisera pour faire ses courses, acheter ses places de cinéma ou ses tickets de métro. Nos « banquiers » sont des développeurs.

Julia Meneyas: Le problème auquel nous souhaitons répondre est celui de l’empreinte carbone des banques. La banque a des responsabilités pour le monde de demain. Nous défendons chez Helios un modèle d’ « éco-banque », en finançant des entreprises qui se focalisent par exemple sur le développement durable, l’agriculture locale. Nous avons la volonté de réinventer la banque sous le prisme de l’écologie.

Loreley Mac Donald: Pourquoi est-ce important pour N26 de garantir la sécurité des dépôts en ayant une licence ?

Jeremie Rosselli: Avoir une licence permet de garantir son indépendance et d’augmenter les marges. Sans licence on doit s’appuyer sur une partenaire, donc partage les bénéfices et l’on est moins agile et moins d’indépendant.

Julia Meneyas : Helios est un nouvel acteur lancé dans un incubateur donc pour l’instant encore adossé à un acteur qui nous permet de garantir la sécurité des dépôts. Nous n’avons pas à cette heure de licence. Nous avons cherché un acteur qui nous permettait d’assurer la traçabilité des flux, et dont le financement était orienté vers la transition écologique.

Julia Meneyas : depuis combien de temps N26 est indépendant ?


Jeremie Rosselli: C’était peu avant que je ne rejoigne l’entreprise, donc il y a un peu plus de quatre ans.

Loreley MacDonald: quelles sont les spécificités du marché français ? Est-il difficile à intégrer ?

Julia Meneyas : Pour trouver l’acteur avec qui se lançait, dont je parlais précédemment, on a du faire le tour de l’Europe. Il est difficile de trouver des acteurs suffisamment transparents pour respecter la ligne éthique d’Helios.

Loreley MacDonald: N26 a deux millions d’utilisateurs. En quoi la France et le Benelux sont stratégiques pour l’entreprise ?

Jeremie Rosselli : La France représente 1⁄4 de l’Europe en termes de PIB. C’est donc un marché privilégié. Les néo-banques se lancent généralement en France ou en Allemagne avant d’attaquer le marché de l’Espagne et celui de l’Italie, qui sont peu digitalisés.

Loreley MacDonald: Qu’est-ce qui explique le dynamisme du marché européen ? Quelles difficultés rencontre-t-on pour s’exporter notamment aux USA ?

Jeremie Rosselli : La finance est un univers peu digitalisé depuis plusieurs décennies et très fragmenté. On compte 1000 banques en France ou en Allemagne, 6000 aux USA. L’Europe représente un marché de 4m de personnes et la « fintech » est un secteur où on trouve beaucoup d’Européens. C’est une bonne chose de les voir s’exporter aux USA.

Julia Meneyas : La finance n’est pas un marché global, les cultures et le rapport au patrimoine sont très différents dans le monde. Il faut s’adapter au contexte.

Loreley MacDonald: En ce qui concerne les « éco-banques », le marché européen est-il important ?

Julia Meneyas : Le marché est né en Europe. L’Europe est en avance sur le secteur, et même plus largement dans la « fintech » on est moteur.

Loreley MacDonald: Mais qu’est-ce qui explique la lenteur du développement en Europe ?

Jeremie Rosselli : l’indépendance est longue à acquérir. N26 est rentable en France et le deviendra à l’étranger (pour l’instant les dépenses sont fortes car nous investissons). Le marché regorge d’opportunités pour les nouveaux entrants. Mais c’est plus complexe que de lancer une app ou un site web. Il y a beaucoup de back office. Quand on atteint une taille critique (quelques millions d’utilisateurs) tout va plus vite, aujourd’hui N26 est sur un effet d’entraînement. Et le marché est de plus en plus mature.

Julia Meneyas : Beaucoup de « néo-banques » se positionnent avec des frais nuls ou très faibles ; le premier critère de comparaison entre les néo-banques est celui des frais. Helios s’est créé une semaine après l’annonce de la crise sanitaire. On a fait le choix d’être payant. Pour respecter nos missions il nous faut un modèle économique sain. Notre tarif est de 6€ par mois cher, ce qui peut paraître cher pour une néo-banque, mais reste moins cher qu’une carte bancaire chez une banque traditionnelle.

Loreley MacDonald: De quelle manière percevez-vous votre rôle ? Et celui des acteurs historiques qui ont multiplié l’acquisition de néo-banques ?

Jeremie Rosselli : Les néo-banques sont plus internationales, pensées pour l’Europe par exemple. On a des acteurs généralistes, ou des spécialistes d’un segment qui l’internationalisent. Concernant les acteurs qui rachètent : je ne suis pas sûr que des fusions de réseaux soit la meilleure manière de se développer.

Julia Meneyas : On a quatre catégories. D’abord des acteurs historiques de la finance éthique. Ensuite des conventionnels qui se lancent sur le secteur de la finance durable comme HSBC ou la BNP. Aussi les banques en ligne. Enfin, les « éco-banques » comme Helios. Mais les initiatives lancées par les banques traditionnelles manquent de transparence : 86% des Français pensent que les banques ne font pas d’efforts environnementaux, il y a une crise de confiance en raison du manque de transparence.

Alexis Fontana : Julia, comment suivez-vous l'adhésion aux principes d'Helios des projets une fois qu'ils sont financés?

Julia Meneyas: On a un comité environnemental qui cherche à maximiser l’impact. La transition est un sujet sur lequel il faut s’entourer d’experts. Nous n’investissons pas dans les entreprises qui ne respectent pas nos critères, qui ne se focalisent pas sur un thème de la transition. On a refusé un partenariat avec Total car son activité principale ne correspond à notre ligne.

Simon Miemba : Compte tenu du dynamisme du marché européen, pensez-vous qu’un GAFA sera en mesure d’investir le segment B2C et s’affirmer en tant que concurrent des services financier en Europe à moyen terme ?

Jeremie Rosselli : Aucun GAFA ne veut racheter les plus grandes banques retail pour l’instant, c’est long et peu opportun.

Julia Meneyas : Dans la banque la relation de confiance avec un conseiller est encore importante. Le gros du marché est basé sur la confiance et la relation interpersonnelle, là où les GAFA ont une mauvaise image.

Loreley MacDonald: Quelles seraient les politiques qui permettraient aux acteurs bancaires d’innover ? Aux Européens de devenir mondiaux ?

Jeremie Rosselli : Il faut véritablement implémenter la même réglementation dans les pays de l’Europe. Le droit de l’UE est appliqué trop différemment selon les pays, ce qui crée de la complexité inutile. Il faut créer un vrai marché commun.

Alexis Fontana : Un changement de mentalité des utilisateurs pour un passage au tout-digital est-il possible ?

Julia Meneyas : Chez Helios on est entre le conseiller classique et le Chatbot. On propose un conseiller dédié joignable par téléphone ou messagerie. C’est une solution qui plaît aux jeunes actifs. Le tout-digital ne me paraît pas encore possible.