La politique monétaire, quelles mesures pour réagir et agir face à la crise sanitaire de la Covid-19 ?

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Les trajectoires de la consommation, de la production et de l’investissement ont fait l’objet d’une des plus fortes altérations compte tenu des retombées de la pandémie. En effet, l’incertitude accrue autour des vagues de la Covid-19 et des mesures d’endiguement y afférentes modifie significativement le comportement des entreprises et des ménages touchés par la vulnérabilité financière. D’une part, les ménages ont subi un amoindrissement de leurs revenus qu’ils canalisent davantage vers l’épargne. D’autre part, le moteur de production et d’investissement des entreprises se voit ralenti, des secteurs étant plus impactés que d’autres, à l’image du secteur des services dont les perspectives sont moroses à long terme, en contraste avec l’industrie qui résiste relativement mieux dans l’ensemble. Le recul de l’activité et la hausse de l’endettement se manifestent à travers l’accroissement marqué du ratio d’endettement brut des sociétés non financières. Les mesures monétaires sont donc déterminantes afin d’orienter les conditions de crédit. Au quatrième trimestre de l’année 2020, la distribution du crédit bancaire reflète un durcissement des critères d’octroi lié notamment à la détérioration de la solvabilité des emprunteurs. 

Les mesures de politique monétaire face à la crise se fixent pour objectifs de stabiliser les marchés financiers et de favoriser les conditions de financement (pour les entreprises et les ménages). A cet effet, plusieurs instruments sont déployés. Les taux d’intérêts (directeurs de la BCE, des opérations de refinancement, de facilité de prêt marginal et de facilité de dépôt) ont été maintenus à des niveaux très bas, voire négatifs. Des conditions nettement plus favorables sont fixées pour la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III), sur une période allongée de 12 mois (jusqu’en juin 2022) et avec une hausse du montant total que les contreparties sont autorisées à emprunter (de 50% à 55% de leur encours de prêts éligibles). Par ailleurs, la durée des mesures d’assouplissement des garanties adoptées les 7 et 22 avril 2020 est également prolongée jusqu’en juin 2022. Par conséquent, les banques continueront à bénéficier des opérations d’apport de liquidité de l’Eurosystème. De plus, 4 opérations supplémentaires de refinancement à plus long terme d’urgence face à la pandémie (PELTRO) seront réalisées en 2021. 

Dans la perspective de renforcer l’effet accommodant des taux directeurs, un rythme mensuel de 20 milliards d’euros est prévu pour les achats nets du programme d’achats d’actifs (Asset Purchase Programme, APP). L’enveloppe dédiée au programme d’achats d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) augmente de 500 milliards d’euros (amenant ainsi à un total de 1 850 milliards d’euros) et la durée prévue pour les achats est prolongée au moins jusqu’à fin mars 2022, en fonction de la dissipation de la crise du coronavirus.

Dans ce même contexte, les réinvestissements des remboursements au titre du principal des titres – acquis via le PEPP - arrivant à échéance sont prolongés au moins jusqu’à fin 2023.  

Les mesures adoptées ont ainsi permis de favoriser les conditions de financement durant la crise, stimulant le crédit vers tous les secteurs de l’économie tout en préservant la stabilité des prix à moyen terme. Cela ne va pas sans noter que ces conditions favorables seraient susceptibles de générer des effets secondaires néfastes ou des rendements décroissants du fait des incertitudes liées au contexte de la crise. En effet, l’abondance de liquidités injectées au cours d’une période relativement réduite risque de créer une bulle du prix des actifs. Aujourd’hui, il reste très complexe de distinguer à ce stade la proportion de hausse des prix des actifs attribuable aux fondamentaux économiques de celle résultant d’une bulle. Ce qui demeure certain est le fait que toute injection supplémentaire est plus à même d’alimenter la composante bulle. 

Quant aux rendements négatifs, les programmes d’achats d’actifs sur le marché secondaire font baisser l’offre de titres sur le marché obligataire qui, pour une demande constante, voit le prix des obligations augmenter et les rendements chuter. Ceci pousse les investisseurs à privilégier des alternatives aux titres achetés par les banques centrales susceptibles de générer des rendements négatifs, notamment les titres à rentabilité plus élevée, mais plus risqués. Par ailleurs, les résultats réalisés par le passé au niveau des conditions financières et l’activité économique réelle par les achats d’actifs ne garantissent pas une même efficacité future à travers les achats supplémentaires prévus.

Dans ce contexte il est nécessaire d’encourager les mesures de politiques monétaires mais également de les voir pour ce qu’elles sont : un outil nécessaire d’assouplissement monétaire afin d’éviter une crie financière abrupte qui aurait des répercussions économiques et sociales encore plus difficiles à surmonter.  Leur limite exposée plus haut démontre qu’en elles-mêmes, elles ne peuvent se substituer aux reformes économiques de profondeur dirigés vers d’avantage de durabilité ainsi qu’aux réflexions liées aux reformes sociales et à la redéfinition d’un pacte social mieux adapté aux aspirations et circonstances sanitaires, démographiques, écologiques et économiques actuelles.