Les Accords de Paris, cinq ans après

 
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« En comparaison avec ce que cet accord aurait pu être, c'est un miracle. Par rapport à ce qu'il aurait dû être, c'est un désastre » Jean Gadrey (économiste français).

En 2015, François Hollande scelle la 21ème Conférence des Parties de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques durant laquelle 195 Etats signent et s’engagent pour le climat. La France marque l’histoire, tous les espoirs sont alors permis. Nous semblons enfin avoir saisi les nouveaux enjeux auxquels le monde fait face : le dérèglement climatique, la destruction de la biodiversité, la dégradation des conditions de vie et l’explosion du nombre de catastrophes naturelles. Pour la première fois, les chefs d’Etats à travers des discours passionnés, démontrent que nous pouvons concilier croissance économique, et respect de l’environnement.                                                                                           

Le graal ? Limiter le réchauffement global à +1.5°C.

L’objectif ? Se revoir tous les cinq ans pour faire un état des avancées, tout en révisant à la hausse les engagements.

En 2021, la réalité derrière ces promesses politiques est finalement bien différente et le système actuel ne laisse que très peu de place au combat climatique. Dans sa structure, les Accords de Paris énonçaient des principes vagues et non contraignants, démunis de mécanisme de sanction. Les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, les migrations climatiques ont augmenté de 30%, les catastrophes naturelles de 20%. A ce rythme, la température augmentera d’environ 3°C voire 4°C d’ici 2100, ce qui aura des conséquences catastrophiques et irréversibles : environ 45% de la population habitera un pays en manque d’eau, près de la moitié des espèces disparaitront, une grande partie de la Chine, du Brésil ou encore des Etats Unis sera devenue inhabitable. Les politiques climatiques ne sont pas à la hauteur pour la plupart des signataires, et, passant toujours au second plan, le climat a dû récemment faire face à des crises géopolitiques majeures.  La politique du « Lead by Example » semble avoir perdu son sens aux yeux de certaines grandes puissances. En 2017, Donald Trump entame le processus de retrait de la première puissance mondiale de l’accord de Paris. En 2018, le climato-scepticisme poursuit son chemin au Brésil. Jair Bolsonaro, pour qui le réchauffement climatique est une « fable », fusionne le ministère de l’environnement et celui de l’agriculture, présente de nouveaux projets d’exploitations de l’Amazonie, et souhaite revenir sur le droit des peuples indigènes. Les dirigeants politiques ne sont pas les seuls à remettre en cause la question du climat, et le constat est accablant. Selon une étude menée par Ipsos, un tiers de la population mondiale ne croit pas à l’impact de l’homme sur le réchauffement climatique. Enfin, la crise de la COVID 19 a montré qu’une action rapide des Etats était possible. Cependant, cette capacité d’action n’est toujours pas déployée face à l’urgence climatique.

Le chemin à parcourir est encore long. L’effondrement de l’ambition Américaine en 2017 a renforcé les mouvements climato-sceptiques et provoqué la colère des pays en développement, victimes de ce réchauffement climatique. Cependant, 2020 semble avoir été porteuse d’espoir et quelques avancées méritent d’être soulignées. L’effort diplomatique européen a permis de faire contrepoids au retrait américain et Moscou ainsi que Pékin ont depuis doublé leurs engagements. Cette année, Xi Jinping a promis la neutralité carbone d’ici 2060 et Vladimir Poutine a finalement décidé d’intégrer une stratégie bas carbone au développement socio-économique de la Russie. Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne a quant à elle, présenté son Green Deal et la France, sa loi climat. Ces projets mettent enfin un cadre juridique contraignant à moyen et long terme. Enfin, en réintégrant les Accords de Paris le jour de son élection, Joe Biden replace les Etats-Unis dans un projet environnemental aussi ambitieux que le Green Deal Européen. Le cercle vertueux est enclenché, des solutions concrètes sont proposées, mais l’application de ces dernières, particulièrement du côté Russe et Chinois, devra être analysée avec attention.  

« Le printemps climatique et social ne se fera pas à huis clos ou dans des espaces de débat sous contrôle. Il se fera dans la rue ». En 2018, Greta Thunberg devient le symbole d’un combat, et bouscule les dirigeants du monde entier. Le pouvoir civique et l’engagement citoyen restent la meilleure arme pour impulser le changement. Avec l’explosion des marches pour le climat, des conventions citoyennes, des actions de Youth For Climate, d’Extinction Rebellion et de la viralité des messages passés sur les réseaux sociaux, il y a désormais une prise de conscience généralisée d’une responsabilité collective. Pourtant, certains décident d’aller encore plus loin. Des organisations non gouvernementales et des mouvements citoyens portent les Etats en justice pour non-respect des engagements pris lors des Accords de Paris. La règle du « Name and shame » se substitue désormais à l’absence de mécanismes de sanctions légales. Dans plusieurs pays, la justice a ordonné aux gouvernements d’agir en respectant leurs promesses tout en présentant des résultats concrets à court terme. En Colombie, 25 jeunes ont été entendu par la justice qui a imposé au président de lancer un plan immédiat de lutte contre la déforestation. Aux Pays-Bas, grâce à 900 citoyens, la Cour Suprême a rendu une décision historique. L’Etat a reçu l’ordre de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25% avant fin 2020. En France, le Conseil d’Etat a donné trois mois au gouvernement pour justifier sa trajectoire de réduction des émissions à horizon 2030. Aujourd’hui, plus d’un millier d’actions judiciaires sont en cours dans le monde. Le recours à la justice au niveau national est donc un outil efficace, contraignant, faisant peser sur les Etats une obligation de résultat. 

« J'appelle aujourd'hui les responsables du monde à déclarer l'état d'urgence climatique dans leur pays jusqu'à ce que la neutralité carbone soit atteinte ». Antonio Guterres, lors du sommet virtuel sur le climat coorganisé avec le Royaume Uni et la France en 2020, dénonçait de nouveau l’inaction presque générale des Etats face à leurs engagements. Mais, dans le cadre des Accords de Paris, l’Organisation des Nations unies (ONU) ne peut que sensibiliser, inciter, et définir une vision générale. Malgré la crise structurelle qu’elle traverse, cette dernière reste un mécanisme démocratique plus que jamais indispensable, qui a accompli beaucoup pour le développement, l’éducation, les droits de l’Homme, et le climat. Pour autant, il est temps de réfléchir à une révision profonde des Nations unies concernant son rôle et sa crédibilité dans la lutte contre le dérèglement climatique. Des réformes sont nécessaires afin d’élargir sa capacité d’action et à faire respecter les engagements climatiques internationaux. La mise en place d’un traité contraignant composé d’un mécanisme de mise en application des mesures ainsi qu’un système de sanctions en cas de non-respect des clauses associées devrait être envisagé. Au vu de l’urgence, d’autres débats et projets devraient être ranimés. Au même titre que les conflits, les bouleversements climatiques constituent une menace pour la paix et la sécurité internationale. Avec les casques bleus, l’ONU est acteur d’opérations de maintien de la paix. Avec les casques verts, l’ONU serait acteur d’opérations contre la destruction environnementale : lutte contre la déforestation, le braconnage, soutien aux réfugiés climatiques, et surtout, un moyen de pression international nécessaire au respect des engagements climatiques. Du point de vue légal, le droit d’ingérence écologique pourrait également être discuté. La communauté internationale, sous l’égide de l’ONU, devrait pouvoir remettre en question la souveraineté nationale de certains territoires lorsque les Etats manquent à leurs obligations. Par exemple, la destruction de l’Amazonie, poumon de la planète, a des conséquences dramatiques pour l’ensemble des êtres humains, et ainsi nécessite une intervention de la communauté internationale sous l’égide de l’ONU. D'autres solutions comprennent également l'internationalisation de certains espaces vitaux pour la préservation de l’environnement et la multiplication des sanctuaires de biodiversité. 

« Le réchauffement climatique est une chose trop sérieuse pour être laissée aux seuls écologistes ». Comme le rappelle Dominique Moïsi, chacun est acteur et responsable de la crise climatique que nous traversons. Les citoyens doivent poursuivre les actions civiques et judiciaires et l’ONU doit pouvoir se porter garant, dans un cadre démocratique, des engagements et promesses émises par ses 193 Etats membres. 

                  Cinq ans après, les Accords de Paris ne suffisent plus, mais constituent une base sur laquelle s’appuyer pour redonner du souffle à l’action pour le climat et la justice sociale. Les voyants sont au rouge, mais au vu de la pression exercée sur les Etats, l’année 2021 pourrait représenter une nouvelle étape historique.