La culture, bien essentiel ou non-essentiel en période de crise ?
A - Les activités culturelles ont été désignées comme non prioritaires
Les activités culturelles ont été désignées comme non prioritaires.
Cela interroge sur cette place que nous laissons à la culture dans nos vies. Nous avons un certain temps en période de crise sanitaire, ouvert nos centres commerciaux, mais fermé nos musées et lieux d’expositions, nous avons accepté la promiscuité dans les transports en communs mais fermé nos cinémas et théâtres.
Nos pays voisins tels que l'Espagne ont su maintenir les portes ouvertes de leurs restaurants, théâtres, musées… en respectant les gestes barrières dans chaque espace public. C’est ce qui a été envisagé pour les festivals en France cet été : le port du masque est obligatoire, les jauges sont restrictives et les distances sont respectées. Alors pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Le 11 mars dernier, le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures, compte tenu de la persistance de la crise sanitaire, dans l'objectif “d'intensifier le soutien à l'emploi, de préserver la pérennité du tissu artistique et culturel et d'accompagner la création pour favoriser la reprise rapide de l'offre culturelle le moment venu”.
La pandémie a été horrible pour tout le monde, mais pour la musique en particulier, selon Ventura Barba, directeur exécutif du festival Sonar de Barcelone - festival réputé de musique électronique. D’après un rapport publié par la Fédération musicale d’Espagne, qui représente le secteur en Espagne, l’industrie musicale européenne a perdu 76 % de son chiffre d’affaires en 2020.
B - Le temps au bilan
Pour autant certains chiffres parlent d’eux même : 41% des Français ont effectué régulièrement au moins une activité culturelle en ligne en 2020. 21% disent assister régulièrement à un concert ou un spectacle retransmis en direct alors que cette pratique était de 6% au premier confinement.
En 2020, les revenus de la musique enregistrée ont progressé selon le rapport de l’IFPI « dans toutes les régions du monde ».
Nicole Vulser publie le 23 mars 2021 dans Le Monde, “si la pandémie a porté un coup fatal aux concerts et aux festivals, elle n’a en rien égratigné la musique enregistrée. Pour la sixième année consécutive, le marché mondial a enregistré une belle croissance de 7,4 % − un tout petit peu moins qu’en 2019 − pour atteindre un chiffre d’affaires total de 21,6 milliards de dollars (18,15 milliards d’euros). Une croissance qui, sans surprise, s’explique par l’engouement inextinguible pour le streaming et l’explosion des abonnements payants (comme Spotify, Apple Music, Deezer…). Fin 2020, l’IFPI dénombrait 443 millions d’utilisateurs de comptes d’abonnement payants dans le monde.
Dans le cadre des textes internationaux sur la diversité culturelle et les droits culturels, le terme «culture» recouvre "l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social et qu’elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances" (déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle (2001) ou encore "les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu'il donne à son existence et à son développement" (déclaration de Fribourg, 2007).
C - Les droits culturels et diversité culturelle
Les droits culturels font partie du système indivisible et interdépendant des droits humains au même titre que les autres. Les droits culturels peuvent être définis comme les droits et libertés d’accès et de participation aux ressources nécessaires au processus d’identification culturelle développé tout au long de sa vie. Chaque personne est reconnue comme être de culture. Intimement liée aux droits culturels, la diversité culturelle nous parle d’enjeux fondamentaux pour tout être humain : celui de se voir reconnaître une créativité et une expression propres, des traditions et des pratiques spécifiques, qui contribuent à « une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle plus satisfaisante pour tous » , celui du droit d’accès de chacun aux ressources nécessaires à son développement personnel et social, associé à un devoir d’échange et de compréhension avec les autres.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, entré en vigueur en 1976) affirme dans son article 3 que "Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte." Dans son article 15, il présente les obligations suivantes : "1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit : a) De participer à la vie culturelle; [...] 2. Les mesures que les États parties au présent Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture.
D - La culture un bien essentiel
Depuis la réouverture des lieux culturels, le nombre de spectateurs est plus bas que d’habitude dans les cinémas et les salles de spectacle. La gratuité du streaming risque à terme d’être un problème dans l’habitude que l’on donne au public. Enfin entre les personnes décédées, celles qui ont peur et celles qui refusent de porter le masque, il va falloir un certain temps avant de pouvoir remplir à nouveau les salles.
“Nous allons devoir faire un très gros travail pour redonner le goût de la découverte à la population qui est repliée depuis un an et demi” explique Caroline Sonrier directrice de l’Opéra de Lille, dans son dernier rapport - mission de la politique de l’art lyrique rendu le 5 octobre 2021 ; cette mission a été confiée par la ministre de la culture en octobre 2020 et a pour objectifs de dresser un état des lieux de la production lyrique en France et de proposer un cadre de référence pour la pratique lyrique en France au XXIème siècle.
Or nous avons besoin de partager des émotions, d’éprouver ensemble, de partager des pensées, de s’émerveiller, de réfléchir, de s’interroger et d’être parfois bousculé.
Rien ne saurait remplacer l'expérience du spectacle vivant : l’émotion collective est cruciale pour créer du lien social. Elle nous rappelle que nous partageons la même VIE.