Quelles leçons tirer des élections fédérales allemandes de septembre 2021 ?

Les élections fédérales (législatives) allemandes du 26 septembre ont peut-être été marquées par la fin de 15 années de chancellerie Merkel, par le recul considérable de la CDU-CSU, le retour d’un SPD autrefois moribond et par la fin de l’ascension du parti d’extrême-droite AFD, mais gloser sur la composition hypothétique de la future coalition apportera peu au débat. Il est au contraire plus intéressant de lister quatre leçons que l’on peut tirer de ce vote, aussi bien en France à l’orée du début de la campagne présidentielle de 2022, qu’en Europe trois mois avant le début de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Malgré les apparences, la gauche n’existe aujourd’hui plus en Allemagne

L’apparent succès du SDP, qui finit en tête de ces élections sur le papier avec 25,7 % des voix devant la CDU-CSU tend à indiquer le renversement des résultats électoraux que ce parti connaît depuis la fin du mandat de chancelier de Gerhard Schröder en 2005. Cependant, ce résultat ne doit tromper personne sur l’état de déshérence de la gauche en Allemagne. 

Tout d’abord, ce bon score du SPD doit beaucoup au besoin de renouvellement ressenti en Allemagne après plus d’une décennie de mandat de la CDU-CSU, seule ou en coalition, de la personnalité du dirigeant du SPD, Olaf Scholz, qui a rassuré en marchant dans les pas de la méthode Merkel et en étant identifié comme un social-démocrate de droite, ainsi que des nombreux faux pas commis par le candidat de la CDU-CSU, Armin Laschet. De plus, l’autre parti de gauche traditionnelle, Die Linke, a quasiment divisé par deux son score des dernières élections en atteignant un plancher de 4,9 %.

Ainsi, cette élection s’inscrit dans le cadre de la perte de vitesse généralisée de la gauche en Europe depuis une dizaine d’années. Si le SPD paraît avoir un avenir plus lumineux que le PS français, parvenir à imposer une véritable politique de gauche après 2021 relève aujourd’hui de la chimère. Cela d’autant plus qu’Olaf Scholz est un des grands défenseurs de l’orthodoxie budgétaire de l’ère Merkel et qu’il a exclu au cours de la campagne la possibilité de conclure une alliance avec Die Linke. Sous cet angle de vue, le futur relais de la gauche traditionnelle allemande réside plus sûrement au sein des Verts que du SPD vainqueur.

En dépit d’un score jugé par eux-mêmes décevant, les Verts confirment leur importance dans le jeu politique allemand et européen

Si le score de 14,75 % obtenu par les Verts le 26 septembre est très favorable comparé aux élections précédentes où le parti n’avait jamais dépassé les 11 %, il paraît moins flatteur lorsqu’il est mis en perspective des enquêtes d’opinion et des dernières élections européennes de 2019. En effet, les sondages préalables à l’élection ont annoncé pendant plusieurs mois un résultat des écologistes supérieur à 20 % des suffrages, voire 25% cinq mois avant le scrutin, et les Verts avaient créé la surprise en dépassant le SPD et en réunissant plus de 20% des suffrages lors des élections européennes de mai 2019.

Nonobstant cette légère déception, les Verts ont désormais acquis avec leur troisième place un statut de faiseur de rois qui les rend incontournables pour la formation de la prochaine coalition gouvernementale. Par ce biais, ils pourront véritablement peser sur les politiques nationales promues par le futur chancelier, bien plus que lors de leur dernière participation au gouvernement de 1998 à 2005 où ils avaient le rôle du benjamin à côté du SPD de G. Schröder.

Si l’hypothèse d’une chancelière issue du parti, Annalena Baerbock, semble ne pas pouvoir prendre forme, les Verts confirment leur rang de parti de coalition. Cette confirmation a un écho important, aussi bien au niveau européen puisqu’ils feront sûrement partie des interlocuteurs de la présidence française du Conseil de l’UE début 2022 en essayant d’imposer leur agenda environnemental, qu’au niveau français pour leurs homologues qui viennent de sortir de leur primaire pour l’élection présidentielle et comptent bien peser sur cette dernière.

La vague populiste apparue après la crise des migrants régresse enfin

L’époque où les résultats électoraux de l’AFD (Alternativ für Deutschland) faisaient trembler les principaux partis allemands, voire européens, après la crise des migrants de 2015 est aujourd’hui révolue. En effet, en 2017, le parti avait ainsi plus que doublé son score des élections fédérales de 2013 en passant de 4,7% à 12,6% des votes, était le troisième parti au Bundestag et paraissait déjà voué à dépasser le SPD déclinant de Martin Schulz. 

Las, en 2021, l’AFD a cédé du terrain pour la première fois en obtenant 2,3% de suffrages en moins malgré une abstention en baisse et en laissant la perte de 9 points de la CDU-CSU bénéficier principalement au SPD et aux Verts. Pire, au cours de l’ensemble de la campagne, le parti populiste n’a pas su imposer son sujet de prédilection sur l’immigration, relégué au second plan par les questions sanitaires et économiques liées à la pandémie mondiale du coronavirus. 

Après avoir passé plusieurs années à faire trembler l’Europe de l’Ouest et fait craindre une contagion de l’extrême-droite au-delà des frontières allemandes, l’AFD est aujourd’hui contenue et son spectre s’éloigne des futurs gouvernants allemands même s’il demeure solidement ancré dans son électorat traditionnel en ex-RDA, notamment dans les Länder de Saxe et de Thuringe où il a fini en tête lors des dernières élections.

Un dénouement électoral intervenu dans les deux derniers mois de la campagne

Le rapport de force final issu des urnes dénote d’une forte instabilité de la base électorale allemande, puisque les sondages d’opinion n’ont commencé à identifier les résultats que deux mois avant le début du scrutin, notamment la percée du SPD et la perte de vitesse de la CDU-CSU. Ainsi, en juillet 2021, Armin Laschet était encore annoncé en tête des intentions de vote, les Verts en deuxième position et le SPD à peine à 15%.

Si l’on voulait tirer des leçons au niveau français, la candidature de personnalités hors système comme Éric Zemmour ne doit pas être traitée à la légère même si elle apparaît encore en retrait par rapport aux scores prédits pour le Président Macron. Compte tenu des biais statistiques des sondages d’opinion, de la versatilité potentielle de l’électorat de droite et des hypothétiques coups de théâtre de la campagne présidentielle, la stature d’hypothétique présidentiables d’Éric Zemmour doit être intégrée par ses opposants et d’ores et déjà faire l’objet d’un contre-discours offensif comme le chef de l’État l’a identifié récemment.

Pour conclure, si ces élections fédérales allemandes n’ont pas encore engendré d’une coalition gouvernementale viable, elles sont déjà pleines d’enseignement pour la future élection présidentielle en France et pour la présidence française du Conseil de l’UE qui devra tenir compte de la présence des Verts autour de la table côté allemand.