Rapport RTE - Quelles solutions à l'horizon 2050 ?
Le 25 Octobre, RTE a rendu les premières conclusions de son rapport prospectif commandé par le gouvernement en 2019 étudiant les différents mix énergétiques possibles afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
A l'aube de la course à la présidentielle où l'énergie sera un sujet majeur et le nucléaire devenant un argument politique, l'approche scientifique et le pragmatisme du rapport apportent des éléments de réponse loin de toute considération politique.
Contexte politique
La stratégie nationale bas carbone (SNBC) reformulée en 2020 par le gouvernement en tant que feuille de route de décarbonisation de l'économie française prévoit de réduire la consommation énergétique finale (englobant électricité et autres énergies) de 40% - de 1600 TWh à 930 TWh en 2050 -.
Alors que les énergies fossiles représentent encore 60% de la consommation d'énergie annuelle en France en 2021, la SNBC souhaite augmenter la part d'énergie consommée en électricité de 25% aujourd'hui à 55% en 2050.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la livraison de ce rapport qui est introduit en formulant une problématique claire : "Sortir des énergies fossiles".
Trajectoires de consommation d'énergie électrique à horizon 2050
L'analyse de RTE formule trois trajectoires de consommation d'électricité en France d'ici 2050. Celle dite de référence qui respecte le cadrage de la SNBC se base sur une hypothèse d'électrification progressive avec une ambition forte sur l'efficacité énergétique tablant sur une consommation annuelle d'électricité de 645 TWh. Une deuxième tablant sur une forte sobriété énergétique et des changements de mode de vie réduisant la consommation à 555 TWh en 2050. La dernière quant à elle prend comme hypothèse une réindustrialisation profonde de la France (12 à 13% de part de PIB dans l'industrie manufacturière en 2050 contre 10% dans la trajectoire de référence) avec 752 TWh de consommation électrique.
Six scénarios pour le mix énergétique français
RTE a privilégié le scénario de référence de consommation d'électricité afin de développer six options de mix électrique. Ces scénarios sont découpés en deux catégories, dont une première appelée "M" qui ne comprend pas de nouveau nucléaire. Le scénario "M0" table sur une sortie du nucléaire en 2050 avec 100% de renouvelable. Les scénarios "M1" et "M2" quant à eux impliquent un fort développement du renouvelable en conservant un parc nucléaire historique de 16GW en 2050.
La deuxième catégorie "N" table sur le développement de nouvelles capacités de production nucléaire, allant de la mise en service de 8 à 12 EPR2 (réacteurs pressurisés nouvelle génération) et de 0 à plusieurs SMR (petits réacteurs modulables). Dans le scénario "N3", ambitieux sur le nucléaire avec 27GW de nouvelle production nucléaire (soit environ 14 EPR et quelques SMR) et 24GW de production nucléaire conservée sur le parc historique, couplée à une production de 70GW de renouvelable. Ces scénarios impliquent le redémarrage rapide d'une filière nucléaire française avec de lourds investissements pour le développement de réacteurs de nouvelle génération.
Un scénario 100% renouvelables reste possible mais peu probable
Comme l'indique le rapport "se passer de nouveaux réacteurs implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européen les plus dynamiques". Cela alors que le développement de l'éolien terrestre pose des problèmes d'acceptabilité et d'empreinte au sol, les parcs éoliens pouvant entrer en conflit avec des espaces réservés à l'agriculture. L'éolien offshore quant à lui pose des questions sur la coexistence avec d'autres activités telle que la pêche.
Quoi qu'il en soit, tous les scénarios impliquent des développement des renouvelables particulièrement élevés. Le scénario "M0" dans lequel est visé une sortie du nucléaire en 2050 implique des rythmes de développement du renouvelable supérieurs aux performances cumulées de nos voisins Allemands et du Royaume-Uni. Seuls les scénarios "N2" et "N3" qui tablent sur le maintien d'une capacité conséquente de production nucléaire impliquent un développement du renouvelable qui correspond aux moyennes nationales des dernières années.
Quelle énergie privilégier ?
Alors que le rapport n'apporte pas de réponse noir sur blanc sur quel mix électrique privilégier pour 2050, il apporte des élements de réponse sur les coûts et les impacts environnementaux. Aujourd'hui, le coût annuel du système électrique français est estimé à 45 milliards d'euros. En 2050, il pourrait passer de 59 (scénario "N03" à 50% de nucléaire) à 80 milliards d’euros (scénario "M1" à 100% de renouvelables en 2060). Cet écart se justifie par le gonflement du réseau électrique dû à la mise en place massive d'énergies renouvelables (coût élevé du raccordement à l'éolien offshore, multiplicité des lieux de production d'électricité). Toujours selon le rapport, "construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique", en prenant l'hypothèse de conserver 40GW de production nucléaire en 2050.
Du côté de l'empreinte carbone, les différents scénarios étudiés restent similaires, cela en prenant en compte le cycle de vie complet de chaque méthode de production ainsi que l'empreinte carbone dite "importée" dans le cas où de l'uranium est extrait sur un autre continent pour le nucléaire ou lorsqu'une pale d'éolienne est importée.
Il est dans l'urgence de prendre une décision sur le mix énergétique que la France doit adopter, ce rapport apporte donc des éléments de réponses qui méritent toute l'attention des candidats à l'élection présidentielle de 2022 qui auront à se montrer convaincant sur leur stratégie de décarbonation d'une France déjà très bon élève mondial en terme d'empreinte carbone.
Sources
https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-10/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats_0.pdf
https://www.actu-environnement.com/ae/news/energie-2050-rapport-RTE-38432.php4