L’Etat de droit suffira-t-il dans la lutte contre l’islamisme radical ?

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Papier rédigé par Benjamin Messika, Alexandre Clostre et Josue Rakotonirainy (Comité Identité)

Quelques jours après l’assassinat du Professeur Samuel Paty, le Ministre de la justice en place, Eric Dupond-Moretti, avait accordé un entretien à un célèbre journal quotidien, dans lequel il plaidait en faveur d’une réponse ferme contre les terroristes islamistes « dans le respect de l’Etat de droit ».

Alors que la France fait face à une crise sanitaire et sociale, l’assassinat de Samuel Paty est le triste symbole d’un large problème structurel, à la fois moral et politique pour lutter contre le terrorisme et, plus généralement, contre l’islamisme radical. Une grande majorité de Français a fait le constat que la question sécuritaire de notre pays a été délaissée depuis trop longtemps par nos gouvernements successifs, au profit d’un aveuglement constant face à la menace islamiste, d’un clientélisme politico-religieux et d’un dérèglement idéologique de repli incarné par un Islam dévoyé et mortifère.

Combattre efficacement l’islamisme suppose d’être ferme sur nos principes civilisationnels et un État capable d’assurer la sécurité de ses concitoyens tout en respectant l’État de droit. Force est de constater que notre arsenal législatif doit être adapté afin de renforcer davantage la sécurité des Français.

LES REFORMES ATTENDUES

Le projet de loi contre le séparatisme (devenu projet de loi confortant les principes républicains) apporte des réponses éminemment positives au repli communautaire et au développement de l'islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes. Élargissement des motifs de dissolution des associations, demande de subvention conditionnée à la signature et au respect d’une charte sur les valeurs de la République, incitation fiscale et financière à inscrire les lieux de cultes musulmans sous le régime de 1905 pour plus de transparence comptable et financière, droit d’opposition de Tracfin pour lutter contre les flux indésirables notamment ceux provenant de l’étranger, création d’un délit réprimant la haine en ligne, renforcement de la neutralité des agents du service public, fin de l’enseignement des langues et cultures d’origines, fin de la scolarisation à domicile pour tous les enfants dès 3 ans, renforcement de l’encadrement des écoles hors contrat, interdiction pour les professionnels de santé d’établir des certificats attestant de la virginité d’une personne... Ce projet de loi revêt donc plusieurs axes dont le renforcement de l’encadrement des associations, la lutte contre la haine en ligne, la neutralité du service public, la transparence des cultes ainsi que l’éducation comme pilier de la République.

L’ensemble de ces propositions offre effectivement une réponse de taille à ce qui a contribué à la fortification de ce séparatisme islamiste. Il est heureux que le gouvernement actuel se saisisse de ces questions en proposant un ensemble dense de mesures dont certaines d’entre elles sont sensibles à la recherche d’un équilibre entre impératif sécuritaire et respect des libertés fondamentales.

LES REFORMES NECESSAIRES

Aujourd’hui, nul ne peut contester que l’ennemi soit massivement présent sur notre sol. D’une part, il est indiscernable en ayant établi des réseaux denses sur le territoire et en bénéficiant d’une protection communautaire qu’il est difficile de contrer sans un travail de longue haleine sur la société civile dans son ensemble. D’autre part, il est le fruit d’une idéologie « immigrationniste » construite depuis des décennies et dont les gouvernements successifs ont fait fi au profit de politiques économiques et sociales dont les effets tardent à se faire sentir. Il est donc de l’ordre de l’évidence qu’un lien direct peut être légitimement établi entre l’immigration incontrôlée et le communautarisme et entre le communautarisme et l'islam radical.

Face à ce constat, nous proposons une série de mesures visant à renforcer notre arsenal législatif actuel et qui, dans la durée, peut permettre de limiter autant que possible le passage à l’acte par la dissuasion et, plus généralement, le renforcement de notre sécurité intérieure :

-  Fermeture définitive des lieux de cultes islamistes radicaux sur la base des éléments de preuve analysés sur les cinq dernières années ;

-  Contrôles inopinés par des agents spécialisés des prêches dans les moquées ;

-  Interdire tout financement étranger d’une association cultuelle (contrôle systématique des dons par un organisme créé à cet effet et sous le contrôle du ministère de l’intérieur avant le 31 décembre de chaque année) ;

-  Instaurer la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs d’attentat, tentatives d’attentat, complicité d’actes de terrorisme, apologie et provocation au terrorisme ;

- Expulsion immédiate des ex-détenus binationaux condamnés pour des faits susvisés ;

- Application stricte des peines pour les faits susmentionnés (supprimer les remises de peines et peines alternatives à l’incarcération) ;

- Mettre à l’isolement les détenus radicalisés ou les détenus dont nous suspectons une radicalisation afin de restreindre autant que possible les contacts entre détenus et limiter ainsi la propagation de l’idéologie islamiste ;

- Interdire le retour des « candidats » au djihad avec retrait de nationalité pour les binationaux ;

- Contrôle d’identité renforcé aux frontières de l’espace Schengen pour des ressortissants non européens (prise d’empreinte, création d’un fichier spécialisé avec précisions des entrées et sorties sur le territoire, motifs d’accès au territoire...) ;

- Renégociation des traités européens pour permettre d’y instaurer une pleine souveraineté dans le contrôle de nos frontières en cas de soupçons d’atteinte à la sécurité nationale ;

- Sanctionner les parents de mineurs auteurs d’attentat, tentatives d’attentat ou complicité d’acte de terrorisme (suspension immédiate des aides et prestations sociales : allocations familiales, allocations de soutien familiale, allocations de rentrée scolaire, APL, ASS etc...) ;

- Permettre la levée de l’anonymat des individus suspectés d’apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux en imposant un contrôle d’identité a minima lors de l’inscription sur le réseau social.

En d’autres termes, nous souhaitons activement proposer des solutions qui permettent de renforcer en profondeur l’existant qui est peu ou mal exploité jusqu’alors. Ces propositions auront au moins le mérite de rétablir un rapport de force avec les islamistes présentés à nos juges d’instruction et rétablir ainsi un dispositif durable de lutte contre l’islamisme radical par de nouvelles mesures qui seraient de nature à rassurer de manière pérenne la population face à une menace qui ne cesse de s’accroitre. En effet, nul doute que la France est en capacité de se doter de dispositifs législatifs qui devanceront l’ennemi et l’empêchera de nuire avant de réfléchir à une vaste politique d’ensemble et structurante permettant une révolution de l’Etat de droit, révolution qui permettrait au pouvoir en place de continuer à se saisir de ses questions comme il le fait déjà.

Face à un phénomène mondial, la réponse doit être globale, et le droit à lui seul ne suffit pas à répondre à toutes les problématiques soulevées par les nouvelles formes de terrorisme. Aux côtés des questions juridiques que nous avons soulevées, la lutte contre la menace terroriste et l’islamisme radical suscite des points de vue religieux, sociologiques, linguistiques, culturels et politiques qui doivent être traités dans le cadre d’une vaste politique nationale.