Le « Monde d’après » porté par la jeune génération

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La crise sanitaire actuelle est le reflet de profonds dysfonctionnements structurels et appelle à une refonte profonde de nos sociétés. Un nouveau paradigme doit émerger, orienté vers plus de durabilité, de soutenabilité de la croissance, de justice sociale, de protection des biens communs et de réduction des inégalités. Cette crise, la plus grave depuis la Seconde Guerre Mondiale, oblige à réinventer de fond en comble notre contrat social et remet en question toutes nos certitudes. Toutes les générations ont une responsabilité pour participer au « Monde d’après » mais parmi ces dernières, les jeunes seront en première ligne. Avec audace et panache, ils doivent s’extraire des idéologies et des dogmes afin d’être des acteurs qui prennent leur place dans la construction du monde de demain qu’ils auront à gérer.

Réinventons le monde d’après dans une nouvelle concorde nationale et européenne.
— Alexandre Mancino

La notion de sens est essentielle pour les jeunes générations. L’impact sur la société et le sentiment de servir des causes qui dépassent l’échelle individuelle sont aujourd’hui à encourager. La philosophie, les arts et la culture sont indispensables pour la construction individuelle et l’émancipation de tous. La crise impose aussi de repenser la hiérarchie de valeurs telles qu’elles sont établies depuis des années.

Une réinvention politique, économique et sociale

La défiance envers l’appareil politique, la crise de la démocratie représentative et la montée des populismes exigent de repenser l’administration de la Cité. La démocratie participative et délibérative incluant tous les citoyens sont une réponse au manque de confiance généralisé. La France, pays centralisé par excellence, doit pouvoir compter sur tous les échelons décentralisés afin que les territoires se sentent représentés. Le capitalisme libéral a eu des bienfaits incontestés, de même que la mondialisation. Cependant, les dérives de ce système ont conduit à alourdir les inégalités et à se désengager des biens communs qui doivent rester hors du marché comme la santé ou l’éducation. Une régulation de la mondialisation s’impose en repensant nos chaînes de valeurs, nos interdépendances et notre souveraineté. La libéralisation du marché du travail mêlée à l’émancipation individuelle doit s’accompagner de politiques publiques d’accompagnement des plus fragiles. Pour ce faire, une politique sociale de redistribution de la richesse est nécessaire avec une fiscalité juste et plus redistributive mais non confiscatoire. L’équité doit être privilégiée sur l’égalitarisme. Nos modes de production doivent prendre en compte le capital humain et les instruments de mesure de richesse (PIB) doivent évoluer pour prendre en compte les variables humaines. Le travail doit être remis en avant et considéré comme vecteur d’émancipation individuelle. L’Etat Providence et le rôle de l’Etat doivent être repensés.

La protection des biens communs

La défense de l’environnement prend une part essentielle pour l’Après. Nos modes de richesse et de production doivent tenir compte de la variable environnementale, être tournés vers plus de durabilité et de soutenabilité. La lutte contre le réchauffement climatique doit être une priorité, de même que la RSE qui doit être vue comme outil de performance et non plus comme un frein à la croissance. Cette dernière doit être réorientée et le financement de la transition écologique doit être une priorité. Un nouveau paradigme environnemental est nécessaire.

Il en est de même pour la santé qui est un bien commun devant demeurer hors du marché. L’Etat Providence doit être redéfini et mieux orienté. Le système de protection sociale doit s’inscrire dans des politiques publiques nationales de qualité. L’intervention de l’Etat est ici nécessaire pour garantir un accès aux soins qualitatif et accessible à tous sans distinction. Des investissements massifs dans la recherche doivent être consacrés abondamment pour assurer une indépendance nationale sur le matériel médical.

L’Humanité doit se métamorphoser pour qu’elle puisse survivre.
— Edgar Morin

S’agissant du secteur du numérique, la transition numérique impose une redéfinition complète des processus internes des entreprises. Les mutations digitales révolutionnent les pratiques et nécessitent de repenser les formes de travail. Une régulation des algorithmes, de l’intelligence artificielle et du big data est nécessaire pour accompagner cette transformation. L’Europe doit inventer une souveraineté numérique pour lutter contre la Chine et les Etats-Unis. La French tech doit être encouragée afin de promouvoir l’innovation et encourager les investissements dans les start-ups. L’écosystème doit être favorable aux entrepreneurs à travers une régulation souple, une fiscalité allégée et des politiques publiques attractives pour attirer les talents du monde entier.

S’agissant de la finance internationale, la crise de 2007 a révélé les failles dues à la dérégulation. C’est pourquoi, outre une juste régulation, c’est la finalité de la finance qui doit être réorientée vers le bien commun. Les interactions entre finance et environnement font légion. La finance durale, obligations vertes, fonds d’investissement dédiés à la transition écologique sont nécessaires. Une finance responsable mieux orientée vers le bien commun s’impose.

S’agissant du management, les modes d’organisation du travail doivent s’adapter aux nouvelles réalités et aux attentes des salariés. L’entreprise peut contribuer à changer le monde. Sa raison d’être doit ainsi être orientée vers toutes les parties prenantes et non plus seulement vers les actionnaires. L’entreprise peut aussi défendre le bien commun et redéfinir son rôle dans la société en tant qu’acteur à part entière dans la création de valeur financière mais aussi humaine et impactant la société.

Une recomposition de la puissance

La recomposition de la puissance exige de repenser l’Europe en la dotant d’un pouvoir de frappe politique capable de contrecarrer l’émergence de la Chine et des Etats-Unis. La mondialisation nécessite plus de régulation internationale, une gouvernance mondiale efficace, basée sur de la solidarité. Le multilatéralisme est nécessaire pour le monde d’après en instaurant davantage de coopération interétatique. Le protectionnisme doit être banni mais du « précautionnisme » (sanitaire, normatif etc.) doit être instauré. Les relocalisations en Europe et en France d’un certain nombre de secteurs stratégiques sont nécessaires. L’Europe est la seule échelle géographique crédible pour peser face aux Etats-Unis ou la Chine. Elle doit s’affirmer politiquement et ne pas demeurer un simple marché économique. Une intégration orientée vers une plus grande solidarité entre Etats membres est nécessaire et elle doit se doter d’institutions plus proches des citoyens, plus démocratiques et moins bureaucratiques. Le projet européen, en tant que puissance est à développer, de même que la souveraineté du Vieux Continent qui est à construire pour peser dans le renouvellement de la puissance. L’Europe à deux vitesses doit être assumée pour renforcer le projet fédéral tout en gardant les particularismes nationaux. La promotion des droits de l’Homme et des libertés fondamentales fait partie de son ADN le plus précieux.

Sur ce point, le droit régule la société et permet une coexistence pacifique des acteurs. L’Etat de droit est à défendre quotidiennement avec les valeurs démocratiques. Les libertés fondamentales et la défense des droits de l’Homme sont une priorité non négociable et inaltérable. Le droit canalise les énergies pour promouvoir un ensemble social qui vit ensemble en respectant des normes acceptées par tous. Le droit doit néanmoins s’adapter aux évolutions de la société. Même s’il est une fin en soi à beaucoup d’égards, la réflexion consistant à le considérer comme moyen au service d’une cause économique ou d’une efficience administrative doit être considérée.

Ces chantiers sont vastes mais passionnants. Profitons de l’incertitude pour inventer l’avenir. C’est l’objet du “Manifeste pour le Monde d’après”.