CR visioconférence avec François DE RUGY
Le 9 décembre, le Cercle Orion a eu le plaisir de recevoir François DE RUGY, député de la 1ère circonscription de Loire-Atlantique, autour d’un échange captivant autour du thème de l’écologie, comme nouveau paradigme capitalistique au cœur d’une société de progrès.
Si la rencontre devait initialement se dérouler autour d’un dîner, les contraintes sanitaires nous ont obligés à revoir l’organisation d’un tel événement. L’invitation autour de M. DE RUGY en présentiel est bien évidemment toujours d’actualité et nous serons heureux de l’honorer en 2021.
Né en 1973, François DE RUGY est diplômé de Sciences Po Paris. Cette soirée représentait l’occasion pour les étudiants actuels de l’école, et membres du Cercle, de retrouver un alumnus. Il est député depuis 2007, et membre du parti Europe Écologie Les Verts jusqu’en 2015, date à laquelle il fonde Le Parti écologiste. Entre 2016 et 2017, il est Vice-Président de l’Assemblée nationale. Candidat malheureux à la primaire citoyenne de 2017 du Parti socialiste, il rejoint à son issue la campagne présidentielle d’Emmanuel MACRON.
Il est réélu député en 2017, et devient Président de l’Assemblée nationale. Il y engage des réflexions d’ampleur sur les méthodes de travail au sein de la chambre basse autant que sur la procédure législative en tant que telle.
En septembre 2018, il succède à Nicolas HULOT en devenant Ministre d’État, Ministre de la transition écologique et solidaire. Il est alors le deuxième membre du Gouvernement par ordre protocolaire. À ce titre, il participe à de nombreux chantiers d’envergure : le lancement de la Convention citoyenne pour le climat, et des thèmes relatifs à l’énergie, et le climat. Il démissionne de ses fonctions en juillet 2019.
Alexandre MANCINO, Président-fondateur du Cercle Orion a introduit l’intervention de M. DE RUGY en rappelant l’importance que devait prendre l’écologie dans la conception des politiques publiques, notamment à l’aune de la crise sanitaire. Il a aussi montré en quoi l’actualité écologique est riche en enjeux majeurs : après la loi Anti-Gaspillage Environnement, Climat portée par Brune POIRSON, le projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat s’apprête à être dévoilé, après le rendu des derniers arbitrages gouvernementaux par le Président de la République lors d’une rencontre avec les membres de la Convention le 14 décembre. Père de la Convention citoyenne, François DE RUGY a salué à nos côtés une telle expérimentation novatrice, qui n’est toutefois pas la panacée dans l’ambition d’inclure les citoyens dans la prise de décision publique. Aussi regrette-t-il l’absence de prise en compte dans les préconisations de la Convention, des enseignements tirés de la crise sanitaire.
Les développements de François DE RUGY visaient à démontrer l’impérieuse nécessité de faire prendre conscience que l’écologie doit être un thème transverse et moteur à toutes les phases de la décision publique ; dans sa genèse, son élaboration, autant que son exécution. A ce titre, l’écologie doit être la source d’un progrès, et notamment en matière sociale, et économique, alors que certains doutent encore d’une telle compatibilité. Ces tensions surgissent avec d’autant plus de vigueur à l’aune d’une crise sanitaire dont nous semblons peiner à envisager l’issue.
M. DE RUGY a rappelé la phrase célèbre prononcée par Robert POUJADE, Ministre délégué auprès du Premier Ministre de l’époque, Jacques CHABAN-DELMAS, chargé de la protection de la nature et de l’environnement, qualifiant son portefeuille ministériel de « ministère de l’impossible » (Calmann-Lévy, 1975) tant les responsabilités lui incombant sont importants, et les objectifs ambitieux. La création d’un tel ministère intervient en 1971, un an après l’intervention fondatrice du Président POMPIDOU devant l’Alliance française de Chicago où il déclarait "l'emprise de l'homme sur la nature est devenue telle qu'elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même".
François DE RUGY a aussi présenté ses convictions qui tiennent à la spécificité des politiques publiques en matière écologique. Il a essaimé des réflexions profondes, nécessaires pour revoir une ambition publique écologique. La teneur de son propos a surtout été empreinte d’optimisme. Le progrès écologique revient à se battre contre le dérèglement climatique, pour la préservation de la biodiversité, pour la qualité de notre environnement, de nos eaux et de notre air.
Il s’inscrit d’ailleurs en opposition avec Ségolène ROYAL, Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat (2014-2017), ne croyant pas en « l’écologie punitive ». Au contraire, les décisions publiques en la matière doivent combiner à juste dose autant de contraintes que d’incitations. François DE RUGY plaide ainsi pour assumer que l’effort écologique puisse appeler à des contraintes, car ce sont elles seules qui permettent de progresser.
Les normes que peuvent imposer l’ambition écologique et son application doivent toutefois selon lui être uniformes, les Français étant attachés à ce caractère, résultant de son histoire jacobine. Dès lors que de telles règles pourront être appliquées, elles seront respectées ; M. DE RUGY reconnaît aux Français leur discipline. Les mesures de confinement en ont été un bon exemple. Il n’est en revanche pas acquis dans la culture politique française de progresser collectivement par la responsabilisation individuelle et l’auto-organisation.
La contrainte en matière écologique revêt un enjeu important, spécifique à cette discipline. Des résultats et progrès efficaces ne pourront produire des résultats pertinents à l’échelle nationale que si ceux-là sont coalisés. Seuls, nous serons impuissants à lutter contre le dérèglement climatique.
Ainsi, pour François DE RUGY, les politiques écologiques en France devraient davantage assumer des contradictions qui lui permettraient d’avancer.
Une autre des difficultés affectant les transformations écologiques réside dans l’échelle de l’action envisagée. Pour l’ancien Ministre, les politiques écologiques impliquent de « penser globalement, et d’agir localement, autant que de penser localement, et d’agir globalement ». Ces échelles s’apprécient différemment. C’est autant les collectivités locales, que l’État, ainsi que la communauté internationale dans son ensemble qui doivent ensemble coaliser leurs forces et leurs actions. Si la mobilisation entière à l’échelle internationale pour rejoindre ce combat est devenue une évidence, elle n’a pas toujours fait l’unanimité. Ce combat appelle à un engagement et une lutte globale. Au sujet de l’actualité internationale, l’ancien Président de l’Assemblée nationale a souligné que la sortie tonitruante des États-Unis des accords de Paris à l’élection de Donald TRUMP n’a pas remis en cause à terme la lutte des États-Unis, que Joe BIDEN s’apprêtera à mener.
Les décideurs privés auront aussi un rôle à jouer ; en accord avec les propos de Jean CHICHE, lors de la conférence conclusive du cycle CEVIPOF, M. DE RUGY a rappelé l’importance des associations et des entreprises.
Alors que la crise sanitaire alimente les théories du complot, et la défiance vis-à-vis de l’action publique et de la connaissance, François DE RUGY a tenu à rappeler son attachement à l’expertise et au savoir scientifiques, qui fondent les constats et les solutions sur lesquelles les décideurs publics s’appuient. Une remise en cause de tels fondements saperait en profondeur les politiques écologiques et la recherche de tout résultat.
Enfin, M. DE RUGY a exploré les manières dont les progrès écologiques nourrissent les innovations technologiques, et les progrès économiques. Il est convaincu que l’appropriation par la société et les citoyens de nouveaux comportements et paradigmes est à même de produire des progrès économiques durables.
M. DE RUGY tenait finalement à nous présenter les vertus d’une écologie de la confiance, et du progrès, à rebours des approches religieuses, ignorantes et archaïques de l’écologie, menant au mythe de la décroissance.
Les participants semblaient passionnés par une telle intervention de haut vol, comme en témoignaient leurs questions pertinentes et réfléchies.
Le Cercle Orion tient à remercier chaleureusement François DE RUGY de sa participation bienveillante et enrichissante à cette conférence passionnante. Cette rencontre s’inscrit, après les partenariats institutionnels noués par le Cercle, et concrétisés lors du cycle CEVIPOF, dans l’ambition du Cercle Orion de dialoguer au cœur de l’agora citoyenne avec des décideurs publics et privés inspirants, dans nos thématiques phares, dont l’écologie fait bien sûr partie.