Éditorial - Giscard et le "rêve de l’Europe"
Le Président Valéry GISCARD D’ESTAING est décédé des suites de la Covid-19 ce 2 décembre 2020. En conséquence, le 9 décembre a été décrété jour de deuil national.
La gratitude que doivent lui porter les citoyens européens est immense dans l’accomplissement du projet communautaire. « Rêveur d’Europe » de sa naissance à Coblence en Allemagne Rhénane à la présidence de la Convention européenne entre 2002 et 2004, en passant par la promotion « Europe » de la jeune École nationale d’administration en 1949, la Présidence de la République et le Parlement européen, ses engagements auront résolument été marqués du sceau aux douze étoiles.
Avec Helmut SCHMIDT, Chancelier de la RFA décédé en 2015, il aura noué une relation d’amitié singulière et prononcée. Il avait l’habitude de reprendre à son compte, pour décrire la naissance de ce couple unique, la vision que La Boétie avait de son amitié avec Montaigne : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Le sommet de Paris réuni en décembre 1974 donnera naissance au Conseil européen, la réunion des Chefs d’État et de Gouvernement des États-membres des Communautés, chargée de définir les orientations et impulsions politiques. Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 13 décembre 2009, transformera cet organe en institution à part entière de l’Union.
Aussi, il participera à consolider les fondements et la légitimité démocratiques de l’Union. Depuis l’Acte de 1976, les députés européens sont élus au suffrage universel direct, alors que ceux-là étaient désignés au sein des Parlements nationaux. Cette réforme d’envergure transforme le Parlement européen en l’institution démocratique fondamentale des Communautés, irradiant de sa légitimité l’ensemble du cadre institutionnel.
La première élection au suffrage universel direct se déroule en 1979 : Simone VEIL y sera élue Présidente. La montée en puissance du Parlement européen sera aussi consacrée grâce au Traité de Maastricht qui le fera devenir co-décideur en matière législative au côté du Conseil.
Le Président Giscard aura contribué à mettre sur pied la genèse de la monnaie unique. Après l’échec du serpent monétaire européen, la Conférence de Brême de juillet 1978 acte la création du système monétaire européen. Avec l’ÉCU, une stabilité des taux de change accrue y sera acquise, ouvrant la voie à l’approfondissement des politiques communautaires dans les domaines économiques et financiers. L’Acte unique européen de 1986 et le rapport Delors de 1989 ouvrent la voie à la création de l’Union économique et monétaire avec Maastricht en 1992.
Enfin, nommé en décembre 2001 Président de la Convention chargée d’établir une Constitution pour l’Europe, ses travaux préparent la Constitution européenne que les Français et Hollandais rejetteront en 2005. Les principaux actes dégagés par les travaux de la Convention inspireront toutefois les enseignements du Traité de Lisbonne.
Récemment, il promouvait l’importance de la solidarité, notion capitale dans la construction européenne ; entre autres, il proposait que la santé ne devienne pas qu’une compétence de coordination, et plaidait pour une harmonisation fiscale plus prononcée. A l’heure de tentations et replis nationalistes, il faut revaloriser et défendre encore plus âprement nos valeurs.
Merci, Giscard l’européen.