CR Conférence inaugurale de rentrée au Conseil d'Etat - Bernard STIRN
Le samedi 7 septembre, le Cercle Orion a fait sa rentrée au Conseil d’Etat avec Bernard STIRN, ex président du contentieux et membre de l’Académie des sciences morales et politiques pour sa conférence inaugurale portant sur l’Europe et les libertés. Un déjeuner privé a suivi la conférence.
Un moment extrêmement privilégié avec plus de quarante participants venus écouter un propos clair, lumineux et lucide sur l’état des droits et libertés en Europe.
Après une visite privée préalable des locaux du Conseil d’Etat, la conférence a visé à alerter sur l’état fragile de nos démocraties libérales dans un contexte de crise et de remise en question de ce modèle à travers le monde. Alors que démocratie et libéralisme allaient jusqu’à présent de pairs avec la promotion des droits et libertés individuelles, on voit aujourd’hui apparaître la démocratie sans liberté ou au contraire des libertés sans démocratie. La montée des populismes en Europe (Hongrie, Italie, extrême droite en Allemagne, Brexit) liée aux « démocratures » que sont la Chine et la Russie sans oublier l’élection de Donald TRUMP sont symptômes d’un mal bien plus grand. Les juges sont les garants de cet équilibre si fragile entre d’un côté, la promotion des libertés individuelles, et de l’autre, les impératifs nécessaires à la bonne conduite d’une démocratie et au maintien du vivre-ensemble.
La théorie de la « fin de l’histoire » théorisée par Fukuyama a monté ses faiblesses et son inexactitude. Alors que la démocratie libérale devait être la fin même des régimes politiques après la Guerre Froide, on a très vite vu se développer d’autres types de régimes dès le début du XXIe siècle avec notamment la montée du terrorisme international.
Aujourd’hui, la démocratie est en panne et doit être réinventer profondément afin d’inclure tous les citoyens à la décision publique. Cela ne peut se faire à l’échelle nationale ; seul l’échelon européen est pertinent pour rabattre les cartes en créant un vrai sentiment d’appartenance et porter d’une seule et unique voix le projet de paix et de défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales à travers le monde.
Bien sûr, un cadre juridique plus contraignant, notamment à travers des sanctions plus coercitives en cas de manquement à ses principes, devrait être façonné. Car la montée des populismes et les contre-vérités affectant les bienfaits de nos démocraties doivent trouver leur réponse au niveau européen avec une volonté politique digne de ce nom. Il en va de la pérennité de notre modèle à l’avenir.
Nous ne pouvons pas céder au pessimisme face à la crise actuelle car un certain nombre d’éléments, à commencer par le regain d’intérêt des électeurs aux dernières élections européennes mêlé à une vraie prise en compte de l’importance de la démocratie participative et délibérative, nous permettent de nous projeter et de continuer à construire.
Car il n’y a pas de fatalité : la démocratie est fragile, elle doit se réinventer et se réformer pour survivre car il n’y a pas d’acquis. Il en va de l’intérêt de tous. Les « états-unis d’Europe » tels que défendus par Victor Hugo ne sont pas utopiques. L’Europe et les libertés sont intrinsèquement liées ; seule une Europe politique davantage intégrée et une refonte de la démocratie tournée vers plus de participation des citoyens permettra in fine de faire renouer la démocratie avec le libéralisme et de sortir de cet « accident de l’histoire » dans lequel nous sommes actuellement.