PMA : Quels enjeux à l’heure du débat ?
Dans son discours de politique générale du 12 Juin 2019, le Premier Ministre Edouard Philippe a précisé le calendrier des débats concernant ce qui sera sans nul doute l’une des grandes réformes sociétales du quinquennat.
En effet, la présentation du projet de loi d’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules peut revêtir le même caractère explosif pour le Président de la République que le fut la Loi Taubira sur le Mariage pour Tous pour le Président François Hollande.
Comme tout débat à risque de crispation, il faut savoir de quoi il s’agit. La PMA consiste aujourd’hui, grâce à la technique médicale, de permettre aux couples diagnostiqués infertiles d’avoir un enfant par le biais d’une insémination artificielle ou d’une Fécondation In Vitro. Ces deux techniques, selon les cas, peuvent nécessiter un don de gamètes de la part d’un donneur obligatoirement anonyme. Ces techniques s’adressent donc aux couples hétérosexuels infertiles médicalement parlant, et dont la femme est âgée de 43 ans maximum. Elle exclut aujourd’hui, de facto, les femmes seules et les couples de femmes et concerne 20.000 naissances sur 75.0000 soit 3,4% des naissances.
En septembre 2017, le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a donné un avis favorable pour l’élargissement de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. Depuis, les différents lobbys de tous bords ressortent leur rhétorique tantôt haineuse, tantôt réactionnaire, tantôt victimisante qui embuent et parasitent le débat. Ce dernier est essentiel d’un point de vue sociétal et se doit d’être le plus serein possible.
Alors quels enjeux pour l’élargissement de la PMA ? Pourquoi tant de points de crispations dans cette France de 2019 ? Ils sont majoritairement au nombre de trois.
La question socio-philosophique de la place de l’enfant dans la famille et du possible « droit à l’enfant » tout d’abord. En sortant la PMA du pur cadre médical de l’infertilité, s’ouvre la question de l’alternative à la reproduction sexuée pour donner la vie à travers une reproduction « technicisée » comme Aldous Huxley l’imaginait déjà en 1932 dans son roman « Le meilleur des mondes ».
En dehors de tous les fantasmes sur le non-épanouissement d’un enfant élevé par des parents de même sexe, il peut sembler légitime de s’interroger sur ce glissement vers un droit à l‘enfant revendiqué. Celui-ci serait il devenu un objet de désir en dehors de toute projection affective ? En poussant le raisonnement à l’extrême, ne risque t-il pas de devenir un bien de consommation que l’on souhaite s’offrir ? Nul n’ose l’imaginer mais pourtant, le business de l’enfant est déjà une réalité. Ainsi, la clinique IVI en Espagne (où la PMA est élargie) vous promet « un enfant chez vous dans les 24 mois ».
Là est le deuxième enjeu de cette ouverture : une procédure de PMA coûte aujourd’hui plus de 4000 euros pour les couples infertiles, l’assurance sociale Française la prenant à sa charge dans le cadre d’un diagnostic d’infertilité. On voit donc que la question économique est bien réelle : il serait difficile aujourd’hui, au regard des finances publiques, de rembourser une PMA en dehors de tout cadre médical car on pourra alors voir se développer un réel business de l’enfant comme il existe déjà en Belgique ou en Espagne alors même que le dogme bioéthique Français reste depuis toujours celui de la gratuité totale des dons de gamètes et la non marchandisation du corps.
Enfin, se pose la question plus prégnante de la filiation. Cet enjeu légal sera surement celui qui donnera lieu à la plus grande crispation des esprits. L’autorisation donnée aux couples de femmes et aux femmes seules de donner la vie sans « figure paternelle » bouleversera le Code civil par la question inévitablement posée de la filiation et du droit de l’enfant à connaître son histoire. Sur ce point, deux visions s’opposent. Les uns, opposés, se réfugient derrière le caractère secret et privé de la conception, réfutant ainsi toute possibilité que l’acte de naissance puisse se faire par l’absence d’un « père ». Les autres, favorables quant à eux, revendiquent une possible « fierté de la PMA » pour l’enfant issue de celle-ci et la placent sur le même plan que l’adoption, elle aussi portée sur les actes de naissance dans leur version intégrale.
Par ailleurs, la coparentalité de deux femmes pourraient être actée par « une déclaration anticipée de filiation » qu’ils appellent de leurs vœux. Il est à noter sur cette question que le sujet se pose déjà du fait de la légalité de la PMA en Belgique et en Espagne. L’Etat reconnaît déjà les enfants nés de femmes françaises dans les cliniques Belges.
Ainsi, on voit bien que le débat est vaste et que chaque question posée ouvrent des tiroirs susceptibles de cacher des points de dissensions entre une France progressiste et une France plus traditionnelle. Les enjeux sont importants et relèvent d’un choix de société. Il semble essentiel pour tous les acteurs de pondérer les passions qui ne manqueront pas de se déchainer, et de faire preuve de rationalité dans ces débats. D’autant plus que cette ouverture de la PMA pourrait bien être la première étape vers un autre débat plus épineux encore qu’est celui de la Gestation Pour Autrui (GPA) qui permettrait alors aux couples d’hommes de devenir parents.
Sur toutes ces questions, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, tous les avis se défendent tant qu’ils se respectent. Le consensus est impossible mais la haine est évitable. C’est le souhait premier à formuler à l’abord de cet été de tous les dangers.