La fuite en avant de l'État de droit
À l’ouverture de la session parlementaire et dans le contexte du meurtre d’une jeune étudiante, Philippine, commis par un étranger sous OQTF, le ministre de l’Intérieur, Bruno RETAILLEAU, a fait part de la volonté politique de changer les règles pour protéger davantage les Français, les principes de l’Etat de droit n’était pas « intangibles et sacrés ».
Tout d’abord, il faut rappeler que toute démocratie repose sur trois piliers : le peuple, l’État et le droit.
Le risque de voir le peuple s’arroger trop de pouvoir, c’est de basculer dans une tyrannie de la majorité, dangereuse pour la liberté.
Le risque de voir l’État s’arroger trop de pouvoir, c’est de basculer dans une technocratie.
Le risque de voir le droit s’arroger trop de pouvoir, c’est de le déconnecter de la réalité et de la souveraineté populaire.
Sur ce dernier point, rappelons que le droit n’a pas à être intangible mais qu’il doit s’adapter en permanence aux circonstances et à la volonté du peuple. Quand le droit va à l’encontre du peuple, la démocratie se retrouve en danger car les sources du droit, émanant ordinairement de lui, sont alors fabriquées par des instances non légitimement élues. La nomocratie qui en résulte affaiblit la démocratie. En ce sens, Bruno RETAILLEAU a raison, l’Etat de droit n’est ni intangible, ni sacré.
Intangible et sacré ?
Les réactions virulentes des adversaires du Ministre qui prétendent que Bruno RETAILLEAU menace la démocratie, que l’Etat de droit est au contraire intangible et sacré, témoignent ainsi d’un mouvement de théologisation du concept d’Etat de droit. Tout le monde s’en réclame, notamment pour justifier l’application de règles juridiques qui vont à l’encontre de la cohésion nationale.
Dans l’ordre juridique français, sont « inaliénables et sacrés » les droits naturels et imprescriptibles reconnus par le bloc de constitutionnalité, dont la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, au premier rang desquels figure la liberté d’opinion, même religieuse. Par contraste, sont profanes, laïques et tangibles les règles d’organisation de la vie en société, déterminées par la loi, expression de la volonté générale. Rendre intangibles et sacrées les règles du droit des étrangers revient donc à théologiser ce qui doit relever de la loi en vertu de la norme suprême de notre ordre juridique interne, ce qui est fondamentalement contraire aux principes de la République française.
Pour les tenants d’un Etat de droit intangible et sacré, la Constitution française n’est pas au sommet de la hiérarchie des normes : les normes et les traités internationaux sont d’effet direct et invocables devant les juridictions nationales, sans égard particulier pour leur conformité à la Constitution française et la volonté du peuple souverain.
La Déclaration de 1789 et la Constitution de 1958 impliquent la conception républicaine de la liberté, où la liberté établie par la loi ou par la Constitution ne peut être restreinte que par la seule puissance publique, du fait de sa légitimité démocratique. Est intangible et sacré le suffrage universel comme seule source du pouvoir, ainsi qu’il en résulte de la décision de l’Assemblée nationale en 1958 de confier l’élaboration de la révision de la Constitution au gouvernement du Général De Gaulle et de l’esprit même de cette Constitution, avec un chef d’Etat élu directement par le peuple et de la possibilité de recourir au référendum.
Le pouvoir introuvable
Affirmer que le suffrage universel n’est pas légitime à définir les principes et les règles de la vie en société, retirer au peuple la capacité de décider pour la confier aux juges ne saurait sérieusement être considéré comme une avancée pour la démocratie et les libertés.
La prééminence de l’Etat de droit ne saurait rendre acceptable que le respect par l’Etat de l’ensemble des règles juridiques supralégales conduise à des drames humains causés par des facteurs sur lesquels le politique peut agir. Elle ne saurait rendre acceptable l’impossibilité d’expulser des étrangers dont la dangerosité criminogène est avérée, surtout quand la réitération de leurs crimes est avérée. Elle ne saurait non plus rendre acceptable que l’athlète afghane Marzieh HAMIDI soit harcelée et menacée de mort et de viol par des migrants originaires de son pays présents sur le sol national, lesquels adhèrent manifestement aux tendances des talibans, islamistes, terroristes, misogynes et pédophiles. La prééminence de l’Etat de droit ne saurait faire de la France le paradis des loups dans la bergerie.