[Compte-rendu] - Dîner-débat avec François MOLINS
Ce 17 mai s’est tenu le dîner-débat consacré aux enjeux de la justice avec comme invité le procureur François MOLINS, ancien directeur de cabinet du ministre de la Justice, procureur de la République de Paris et procureur général près la Cour de cassation. Les discussions ont porté sur trois sujets essentiels : la lutte contre le terrorisme, les moyens et l’efficience de la justice ainsi que son indépendance.
En ce qui concerne la lutte antiterroriste, la France a l’arsenal législatif le plus abouti des pays d’Europe. M. MOLINS ayant été procureur de la République de Paris de 2011 à 2018, il a eu la charge des enquêtes sur les faits terroristes survenus lors de la vague d’attentats djihadistes de 2012 à la fin de ses fonctions. Les infractions d’associations de malfaiteurs terroriste en sont un exemple flagrant puisqu’elle permet de réprimer des individus pour des faits préparatoires à un éventuel attentat terroriste. La justice antiterroriste française repose sur un principe de centralisation, les juridictions parisiennes en ayant seule la compétence, et un principe de spécialisation, des magistrats spécialement désignés à cet effet devant en être chargés, notamment au niveau du parquet. Ainsi, au sein du parquet de Paris, certains procureurs étaient spécialement nommés au pôle antiterroriste. Cette spécialisation s’est accrue en 2019 avec la création du Parquet national antiterroriste (PNAT) qui ne dépend donc plus du Parquet de Paris. Pour autant, même avec un arsenal aussi efficient et des moyens aussi importants, il n’a pas été possible d’empêcher les attentats les plus meurtriers.
Compte tenu des conséquences de faits aussi dramatiques sur la pérennité de la Nation et de la société, des moyens inégalés sont légitimement mis en œuvre par l’Etat pour rechercher et traduire en justice les auteurs d’infractions de nature terroriste. Cependant, l’ensemble de la justice française n’est pas à l’image de la justice antiterroriste. Les réductions de budgets, malgré quelques améliorations, et les problématiques d’attractivité dans certaines branches judiciaires en tension (prud’hommes, propriété intellectuelle et plus généralement le droit civil) mettent à mal le droit du justiciable à être jugé dans un délai raisonnable. Cette situation est préjudiciable aux relations entre la société et la justice, par exemple lorsqu’un conflit entre un employeur et son salarié n’aboutit à un jugement en première instance aux prud’hommes qu’un à deux ans après saisine de la justice.
Le troisième sujet ayant animé les débats avec M. MOLINS est l’indépendance et le statut des magistrats. Les procureurs, magistrats du parquet, ne reçoivent plus d’instructions individuelles en vertu de la loi. A ce titre, ils disposent d’une indépendance certaine qui se traduit par une totale liberté de parole lors des audiences devant le juge du siège. En revanche, le Parquet doit appliquer la politique pénale du Gouvernement qui se traduit par des instructions générales édictées par le ministre de la Justice. A cet égard, le Parquet est une institution hiérarchisée avec le ministre à son sommet. En ce sens, M. MOLINS juge légitime que des procureurs fassent l’objet de poursuites disciplinaires lorsqu’ils refusent d’appliquer la politique pénale du Gouvernement, étant entendu que les magistrats du siège n'y sont absolument pas tenus dans le prononcé de leurs jugements. Par ailleurs, les décisions d’enquête et de poursuite concernant les affaires politico-financières tendent à être interprétées comme des choix politiques opérés par les magistrats, qu’elles soient favorables ou défavorables au politique. Il pourrait ainsi être opportun d’entourer le statut des magistrats du parquet de garanties statutaires supplémentaires contre des interférences potentielles du pouvoir politique.
En guise de conclusion, M. MOLINS a souhaité préciser qu’il était important que le pouvoir politique conserve sa responsabilité, sans risquer que les conséquences néfastes de ses choix ne rejaillissent sur les magistrats. Il est important de diffuser la connaissance juridique et des institutions démocratiques.
Il en va de la confiance citoyenne envers la justice de leur pays, essentielle pour son acceptabilité dans un contexte de défiance et de crise démocratique.