Compte-rendu - Dîner-débat avec Monique CANTO-SPERBER

 
 

Ce 9 mai 2023, le Cercle Orion a a eu l’honneur de recevoir Monique CANTO-SPERBER, docteur en philosophie, ancienne directrice de l'Ecole normale supérieure pour un dîner- débat relatif à la laïcité à l'aune du libéral-républicanisme.

Le Président MANCINO a d'abord introduit notre invitée en présentant le Cercle Orion, en livrant quelques éléments d'analyse autour des sujets d'actualité et des racines philosophiques des problèmes dont se saisit le think-tank, et enfin présentant le parcours de vie de Mme CANTO-SPERBER.

De nombreux sujets en lien avec l'actualité et les débats contemporains ont pu être abordés dans un voyage philosophique à travers les idées ayant constitué la modernité politique. Des discussions fructueuses se sont déroulées au sujet de la laïcité et de la liberté à l'aune de notre modèle républicain.

Sur la question de la laïcité, Monique CANTO-SPERBER considère que celle-ci incorpore des éléments du libéralisme politique (libre détermination de l'individu et protection des interférences extérieures notamment du prosélytisme) et du républicanisme (imbrication de la laïcité avec la citoyenneté qui permet de former un corps politique délibérant de façon démocratique et s'exprimant par le suffrage universel sans autre considération que la possession de la citoyenneté française).

Ce débat soulève des questions qui ne sont pas encore tranchées clairement par le politique : l'espace public étant neutre, doit-il pour autant être laïque ? Dans quelle mesure la citoyenneté implique-t-elle que l'individu s'abstienne de marquer sa différence ? A cet égard, le Cercle Orion préconise d'instaurer une véritable laïcité de l'espace public sous réserve des coutumes et traditions françaises.

Dans ce contexte, les propositions que le Cercle Oron impulsera dans le débat public s'inscriront dans la conception républicaine de la laïcité compte tenu des difficultés à lutter contre l'islamisme politique qui tend à instaurer son propre espace normatif sur le territoire de la République. Les travaux qui seront publiés dans cet esprit seront élaborés dans le cadre de l'Initiative en cours « Laïcité et Identité » adossée à l'Axe phare Identité et Ordre républicain.

Les débats politiques et métapolitiques actuels rappellent la pertinence de la conciliation entre deux conceptions de la liberté, positive et ancienne, d'une part, négative et moderne, d'autre part, théorisées par le philosophe libéral Isaiah BERLIN (1909-1997) dans son ouvrage Deux concepts de liberté (1958). Cette distinction prolonge la réflexion de l'homme politique et philosophe Benjamin CONSTANT (1767-1830) développée en 1819 dans De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes.

Les sociétés antiques concevaient la liberté comme une exigence positive de participation de l'homme dans les affaires de la polis. L'action du citoyen en privé comme en public, dans le commerce comme dans la politique, est portée vers le bien du corps social.

Cela se manifeste au niveau institutionnel par des mécanismes de contrôle forts qui traduisent un lien de forte reconnaissance sociale : la démocratie directe, dans certains cas, mais aussi l'ostracisme qui donne pouvoir aux citoyens d'exclure l'un des leurs de la cité à cause d'une action jugée contraire à l'intérêt moral de la collectivité.

Du point de vue de Benjamin CONSTANT ayant vécu au XIXème siècle, imprégné par la philosophie individualiste des penseurs britanniques, la liberté des Modernes se conçoit au contraire comme une absence de contrainte, d'où la notion de liberté négative. Dès lors que la vie privée demeure soustraite du jugement d'autrui, l'on est libre si aucun autre membre du corps social ne vient interférer avec la quête de son bonheur individuel. Cette conception s'oppose frontalement à celle de Jean-Jacques ROUSSEAU pour qui l'individu doit se sacrifier entièrement à l'Etat.

Dans un contexte contemporain, l'association complémentaire de ces deux libertés, positive et négative, apparaît nécessaire : ne sont souhaitables ni un excès d'individualisme qui atomise la société et rend possible des dérives dans lesquelles se dilue la Nation, ni un excès d'emprise étatique qui bride l'individu dans sa quête de réalisation de soi et d'indépendance. Au contraire, le Cercle Orion considère qu'il est préférable de renforcer l'exigence civique pour refonder la démocratie tout en permettant la libre initiative qui participe en elle-même de la puissance de l'Etat dans une perspective de souveraineté. Ces deux conceptions doivent être conciliées afin de réenchanter la citoyenneté en ce qui concerne notamment l'implication du public dans les processus politiques.

En outre, le dîner-débat a aussi permis un échange de vues sur la situation idéologique dans l'enseignement supérieur compte tenu de l'expérience en la matière de notre invitée. Les tentatives réussies ou non de censure de contenus respectant tout à fait les contours de la liberté d'expression mais contre lesquels planent des accusations de racisme ou d'islamophobie sont préoccupantes dans la mesure où elles s'inscrivent dans un mouvement de refus du débat contradictoire, même si l'existence de discriminations dans la société ne doit pas être éludée. Toutefois, il est possible qu'il ne s'agisse là que d'une mode passagère selon Monique CANTO-SPERBER, à l'instar d'autres idéologies qui ont été largement partagées à l'Université en d'autres temps.

En somme, ce dîner a permis d'apporter un regard plus philosophique sur les enjeux d'actualité là où les autres évènements organisés par le Cercle Orion sont volontiers plus politiques, ce qui enrichit l'éventail des capacités de réflexion du think-tank. Le prochain évènement organisé par le Cercle Orion se déroulera courant juin et permettra de présenter l'Initiative Leadership XXI qui vise à définir les contours d'une bonne gouvernance publique et privée et à réfléchir aux qualités attendues d'un décideur engagé au XXIème siècle.