Éditorial - La France à la croisée des chemins : le sentier déterminé du Cercle Orion
À quelques heures du second tour de l’élection présidentielle, nous assisterons pour la deuxième fois consécutive au duel entre Emmanuel MACRON et Marine LE PEN. Ces deux candidats, à tort ou à raison selon, sont dépeints comme les hérauts respectivement du technocratisme et du populisme, de la décision par quelques sachants déconnectés et au gré du bon sens populaire non sans démagogie. Or, l’heure est grave. Pluriellement grave. La société n’a jamais été autant fracturée : fractures sociales, territoriales, générationnelles, qu’illustre explicitement la structure électorale des votes lors du 1er tour. La guerre est revenue en Europe. L’urgence climatique est toujours plus (op)pressante. La pandémie nous a lessivés psychologiquement depuis deux ans, plongeant la France dans un mélange sordide d’apathie, d’angoisse et de contestations, peu prompt à l’intelligence collective nécessaire pour mener la barre face à ce que le Président de la République appelle, justement, le “grand dérèglement” du monde.
Toutefois, nonobstant leur projet quasi-intégralement opposé, à la vision et aux propositions orthogonales, ils sont identiquement convaincus (du moins le souhaitent-ils publiquement en cette période intense de campagne d’entre-deux-tours) de la nécessité de développer la consultation citoyenne, de repenser nos institutions pour qu’elle articule mieux deux temporalités distinctes : la respiration démocratique, dans un délai assez court, et la nécessité de décliner sereinement et efficacement de grandes orientations structurantes (sociales, économiques, environnementales, et même civilisationnelles) sur une plus longue durée.
Au Cercle Orion, et de manière générale dans l’ensemble symbiotique de l’écosystème Agora, nous poussons continûment cette méthode de renforcer la démocratie citoyenne, sans renoncer à se confronter ensemble à la technicité des sujets. Etienne KLEIN, physicien et philosophe des sciences, que nous avons reçu au Cercle Orion mercredi 13 avril dernier, nous pointait un constat, rude et exigeant, qui doit nous guider : nous devons nous déterminer collectivement sur des sujets complexes, qui demandent des connaissances précises pour les rendre intelligents et intelligibles ; or, les Français ne se saisissent pas suffisamment de ces notions mais préfèrent trancher selon des “halos symboliques” plutôt que sur des considérations objectives.
Nous aspirons résolument à concilier expertise technique et expérience vécue. Pour construire une vision politique holiste, engageante mais aussi responsable et éclairée. Nous avons confiance en l’intelligence collective : face à la complexification des défis du monde, nous devons, à notre échelle, instiller plus d’appétence à la connaissance, éclairer avec pédagogie les fondements et les subtilités des enjeux structurants pour notre nation. C’est dans ce sens que, synergiquement,
nous allons approfondir la démarche intégrée de l’écosystème Agora — le Cercle Orion, par ses études et rencontres, y prendra évidemment toute sa part.
Plus globalement, forts des réflexions profondes sur l’architecture institutionnelle actuelle de la Ve République, nous sommes motivés à contribuer avec nos membres à apporter des réflexions et des propositions de reconfiguration de nos équilibres et instruments institutionnels, prolongeant et densifiant les travaux menés en ce sens à l’occasion du rapport-programme Orion 2022. Des lignes de force de révision constitutionnelle se dégagent d’ores et déjà, sur la temporalité des mandats, la meilleure intégration des sensibilités politiques, la participation citoyenne par la consultation et le référendum… Nous les intégrerons évidemment, avec force réflexive, à nos travaux qui se structureront autour d’une nouvelle initiative du Cercle Orion, durant la second semestre 2022, dénommée “Gouverner ensemble”.
En sus de cette nouvelle donne institutionnelle, la structuration de la politique nationale, en particulier sur son flanc droit, est en branle : “la poutre travaille”, comme le dit Edouard PHILIPPE. Les droites sont plurielles - droite libérale, droite sociale, droite conservatrice… - et rassembler ses thuriféraires dans une seule entité partisane ne semble plus possible, tant humainement que politiquement, tant des divergences fondamentales sont appuyées par certains. Le Cercle Orion aspire à entamer une véritable opération sur le long cours de consolidation et de synthèse des différents pans de la droite. Mais attention, point de synthèse molle ; pas de conciliation qui n’aboutit sur rien de concret. Une architecture intellectuelle franche, claire, autour de points d’ancrages philosophico-politiques intangibles, qui nous définissent, unissent, qui constituent notre boussole d’action — nonobstant les quelques flexibilités nécessaires pour mener de manière réaliste et responsable l’action publique (nous avons vu, au cours de certains mandats, à quel point l’absence de souplesse de vue sur certains sujets pouvait engendrer des blocages majeurs …).
La France est à la croisée des chemins. Chemins économique, social, environnemental, géopolitique. Mais aussi - voire surtout - le sentier institutionnel et politique. L’emprunter est aussi stimulant intellectuellement qu’impérieux démocratiquement, vu les puissants déchirements tectoniques qui fracturent longuement et sûrement la société française. Le Cercle Orion, engagé passionnément pour la vie publique, veut contribuer à la recomposition politique et institutionnelle, pour éviter que “la France, faite de tissus divers cousus ensemble, se défasse” pour reprendre les mots de Fernand BRAUDEL. En portant une voix claire, indépendante, pour défendre et construire ensemble une France puissance, résiliente, exigeante, innovante, inspirante.