De la déclaration Schuman à la Conférence sur l’avenir de l’Europe

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« L’Europe se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. » Telle est l’essence du discours prononcé par l’ancien ministre des Affaires étrangères Robert Schuman, le 9 mai 1950. Il y proposait la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), dont l’héritière actuelle est l’Union européenne. Cet appel à la solidarité et à la mutualisation des intérêts économiques résonne aujourd’hui dans la crise que nous traversons, du fait de la pandémie mondiale de la Covid-19. Mais si « l’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises » selon Jean Monnet, alors tout défaitisme à l’encontre du projet européen doit être écarté. L’heure est à l’édification d’une Europe nouvelle, qui sait appuyer sa légitimité au-delà de ses frontières tout en renforçant son fonctionnement démocratique interne. 

C’est dans cet esprit que le Parlement européen a accueilli la Conférence sur l’avenir de l’Europe inaugurée le 9 mai 2021. Celle-ci prendra la forme d’une série de débats et de discussions menés par des citoyens dans toute l’Europe. Elle est non-seulement bienvenue mais surtout nécessaire, compte tenu de certains dysfonctionnements de l’Union, qui peuvent même porter atteinte à sa crédibilité au niveau mondial. Des épisodes diplomatiques récents en témoignent, comme l’humiliation du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères Josep Borrell à Moscou, ou le « sofagate » d’Erdogan à Ursula von der Leyen en Turquie. Tout système n’est certes parfait, étanche à toutes critiques, mais des solutions sont à prévoir en urgence quand son fondement même est remis en question. L’euroscepticisme croissant en est l’exemple phare, d’autant plus que ses causes révèlent la crise de représentativité des citoyens européens. Le manque d’attachement des populations rurales à l’idée européenne et leur « détresse territoriale » signalent la conciliation qui doit s’opérer.

C’est le sens de cette conférence, comme l’a rappelé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : « Les citoyens doivent être au cœur de toutes nos politiques. » Elle prévoira une plateforme numérique transnationale pour revigorer le débat d’idées, et impliquera la création d’assemblées de citoyens tirés au sort, au niveau local. Une plénière sera aussi instituée, composée d’un mélange entre parlementaires européens, nationaux et des citoyens provenant des assemblées. Elle sera chargée de délibérer sur les propositions des assemblées, qui seront ensuite transmises aux représentants du Parlement européen, de la Commission et du Conseil européen. Ces mécanismes inspirent confiance dans l’avenir de la démocratie européenne, tant ils sont novateurs et intègrent les intérêts populaires.

La solidarité à laquelle appelait Robert Schuman doit aussi avoir une portée intergénérationnelle. Le plan de relance de 750 milliards d’euros Next Generation Eu s’inscrit dans cette dynamique, pour aider à tempérer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie. Il aura vocation à soutenir la recherche et l’innovation en Europe, protéger la biodiversité et l’égalité hommes-femmes, renforcer la lutte contre le changement climatique, investir massivement dans le domaine de la santé. Les objectifs de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 et de neutralité carbone d’ici 2050 démontrent l’engagement de l’UE pour l’avenir. Penser l’Europe aujourd’hui, c’est panser celle de demain.

L’Europe reste enfin fidèle à ses principes fondamentaux, comme sa contribution à « l’établissement de la paix mondiale » qu’évoquait Robert Schuman. Si l’effort de paix se traduisait par la création de la CECA en 1950, il traverse actuellement un changement de paradigme. Assurer la paix mondiale aujourd’hui passe par la lutte contre le terrorisme islamiste, en particulier dans la bande sahélo-saharienne. Se pose alors la question de l’Europe de la défense, de sa capacité militaire. L’autonomie stratégique de l’Union est en voie de développement, notamment depuis la constitution du Fonds européen de défense de 7,9 milliards d’euros pour la période budgétaire 2021-2027.

La crise actuelle a poussé les Etats membres à agir de concert et de manière tangible pour adresser les défis internes et extérieurs de l’Union. L’Europe se construit. Pour son peuple et pour sa jeunesse, il s’agit de prendre part à son édifice.