CR - L’arbitrage et l’avenir de la profession d’avocat - Thomas Clay

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Le Cercle Orion avait l’honneur de recevoir Thomas Clay, arbitre international et professeur de droit à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. La conférence était menée par Adnan Valibhay, étudiant en première année de droit des affaires et directeur du comité juridique du Cercle Orion.

Alexandre Mancino, président du Cercle Orion, a d’abord présenté les activités du think-tank et rappelé qu’il s’agit d’une association politique au sens large du terme, qui tend à réfléchir aux enjeux auxquels est confrontée notre jeune génération. Créé en 2017, le Cercle Orion a pu compter sur le soutien de nombreuses personnalités pour nourrir ses réflexions au sein de ses différents comités d’étude. Le Cercle a pour volonté d’agir dans l’intérêt général en émettant et appliquant diverses recommandations.

Adnan Valibhay a expliqué que l’objectif du comité juridique du Cercle Orion était de réfléchir aux impacts et à la pratique du droit. Il a ensuite présenté l’invité de la conférence : le professeur Thomas Clay.

Ancien étudiant de l’université Paris-II Panthéon-Assas, Thomas Clay a ensuite rédigé une thèse sur « L’arbitre ». Il est agrégé de droit privé, enseignant à Paris-I Panthéon- Sorbonne, mais aussi engagé en politique auprès notamment d’Arnaud Montebourg. Dans le cadre de sa pratique juridique, il s’intéresse plus particulièrement aux modes alternatifs de règlement des conflits. Il a fondé son cabinet d’avocat qui est une référence en matière d’arbitrage international.

Questions :

Pourquoi être devenu avocat et arbitre alors que vous êtes avant tout enseignant ? (Adnan Valibhay)

Thomas Clay :

Je reste un universitaire actif, j’ai été le temps d’un semestre président de Paris I et j’attache beaucoup d’importance à mes cours et mes travaux. Aujourd’hui, ce qui intéresse les étudiants, c’est de leur raconter des histoires qu’ils ne trouvent pas dans les livres il faut les captiver. Je les fais profiter de mes expériences, de mes dossiers d’avocat ou d’arbitre. Enoutre, il s’agit d’une activité très rémunératrice qui me rend plus libre dans ma pratique universitaire. Les deux activités se nourrissent l’une de l’autre.

Le métier d’arbitre constitue-t-il un nouveau mode d’exercice du métier d’avocat ? (Adnan Valibhay)

Thomas Clay :

La pratique de l’arbitrage existe depuis l’origine du droit. Mais il est vrai que le champ de l’arbitrage s’étend, jusque dans le droit de la famille. Cette pratique entre dans l’offre plurielle de justice (avec la médiation, la conciliation). Il n’y a pas d’avocat qui ne fasse que de l’arbitrage.

Comment expliquer que l’on trouve, dans le droit, des procédures amiables comme le divorce par consentement mutuel qui se rapprochent des procédures d’arbitrage ? (Adnan Valibhay)

Thomas Clay :

Effectivement, les modes alternatifs de règlement des conflits se multiplient. Tous les litiges ne nécessitent pas une procédure complexe. A chaque litige son mode de résolution. Une vision moins noble et réaliste est de dire que la justice manque de moyens et qu’il est nécessaire de décharger les magistrats du traitement de certains litiges ?

Y a-t-il une justice à deux vitesses entre les arbitres et le pénal ? Peut-il y avoir une justice sans Etat ? (Adnan Valibhay)

Thomas Clay :

L’arbitrage a toujours existé. Les modes alternatifs peuvent être présents dans le pénal. On y trouve de plus en plus de dispositions alternatives (composition, médiation pénale...), ou encore le « plaider-coupable », qui est un accord entre le prévenu et le procureur sur le montant d’une peine. Donc des négociations sont présentes en droit pénal. Ce n’est pas àproprement parler de l’arbitrage mais il s’agit bien de formes de conciliation.

Je ne crois pas à une justice sans Etat, le juge public est nécessaire. Mais c’est vrai qu’il y a d’importantes différences de moyens. L’arbitrage est à voir comme un modèle de justice.

Etes-vous optimiste concernant l’avenir du métier d’avocat ? (Adnan Valibhay)

Thomas Clay :

Aujourd’hui, nous n’avons pas assez d’avocats et en même temps, nombre d’avocats vivent mal. Il faut réinventer le métier : pratiquer l’arbitrage en droit de la famille ou utiliser les outils électroniques sont par exemple des moyens pour y parvenir. Le bon juriste est un chercheur : il sait chercher et trouver la solution à un problème.

La crise aura permis de renouveler les pratiques. On économise des voyages. C’est un gain de temps qui peut être appréciable. J’ai fait de nombreuses audiences sur Zoom ou Teams sur les six derniers mois.

Le métier d’universitaire est-il plus difficile en France que dans les pays Nord-Américains ? (Vanja Misevic)

Thomas Clay :

Aux Etats-Unis, les chercheurs sont mieux payés et ont des équipes qui travaillent pour eux. Mais je ne les envie pas. En France il y a une hiérarchie entre le professeur de droit et l’avocat, le professeur est l’expert. Aux Etats-Unis la hiérarchie est inversée, notamment parce que l’avocat gagne plus que le professeur.

La pratique de l’arbitrage me passionne, je pourrais le faire gratuitement. Les dossiers sont passionnants. Donc je n’échangerais pas ma situation avec celle d’un professeur américain.

Le monde de l’arbitrage peut paraître fermé, quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour l’intégrer ? (Florian Galliez)

Thomas Clay :

Vous pouvez devenir avocat. La bonne formation est généraliste. Je conseille de faire un master généralisé puis un master spécialisé et d’être polyglotte, de parler au moins trois langues.

Une question concernant la privatisation de la justice : pensez-vous qu’il puisse y avoir, par exemple en matière de bioéthique, une justice privée, ne nécessitant pas l’action des Etats ? (Vanja Misevic)

Thomas Clay :

Les Etats sont nécessaires pour traiter des questions liées à la santé publique. Toutefois, les entreprises sont directement concernées par les intérêts privés et c’est quand il y a des problèmes d’argent qu’on a des procédures d’arbitrage.

Alexandre Mancino a conclu la conférence en rappelant l’importance de réfléchir sur la pratique du droit et a remercié le Pr. Thomas Clay. Celui-ci s’est dit favorable à l’initiative prise par le Cercle Orion pour l’organisation de cette conférence et prêt à poursuivre ces échanges.