Comment améliorer le mécanisme de protection civile européen ?
Une multiplication des risques extrêmes en Europe qui justifie le recours à un mécanisme européen de protection civile.
Alors que la Grèce était ravagée cet été par des incendies de grande ampleur, divers commentateurs se sont interrogés, à bon droit, sur l’action de l’Union européenne face aux catastrophes naturelles. En effet, la multiplication de ces événements dévastateurs, liés à l’accélération du dérèglement climatique, amène les citoyens européens à formuler des attentes de plus en plus exigeantes en termes de protection civile.
À ce jour, un mécanisme européen dédié est d’ores et déjà en place. Entré en vigueur en 2001, il a depuis été activé plus de 500 fois et fait vivre la solidarité entre États membres. Il repose sur en grande partie sur le volontariat : dès lors qu’un pays fait face à une catastrophe de grande ampleur, il peut solliciter un soutien via le mécanisme. La Commission européenne se charge alors de coordonner les différentes forces de protection civile mises à sa disposition par les États membres et apporte sa contribution financière pour couvrir leurs coûts opérationnels. Le principal intérêt du mécanisme est de centraliser la prise de décision et de donner aux différents intervenants un point de contact unique. La mise en commun des moyens de secours permet de limiter les dégâts pour les populations touchées.
Des opérations encourageantes soulignant les failles actuelles du mécanisme européen de protection civile qu’il convient de dépasser.
Le mécanisme européen de protection civile et en particulier sa réserve stratégique, rescEU, ont été activés à plusieurs reprises avec un certain succès si l’on tient compte de ses ressources limitées. Ainsi, la pandémie de coronavirus et l’explosion du port de Beyrouth en 2020 ont été l’occasion de mettre le mécanisme à l’épreuve. Or, ces interventions ont révélé certaines failles du mécanisme. Par exemple, son efficacité est limitée par les traités européens qui accordent aux États membres une compétence exclusive sur les enjeux de protection civile. C’est donc sur un fondement intergouvernemental que se construit la coopération en la matière, avec tous les contretemps et toutes les hésitations qu’un tel mode de décision peut occasionner.
Encore récent à l’échelle de la construction européenne, le mécanisme européen de protection civile gagnerait aujourd’hui à être plus développé. Sa première limite réside dans la définition de son périmètre géographique. En effet, il est à ce jour relativement vague, puisqu’il recouvre l’Union européenne, mais aussi certains États membres de l’Espace économique européen. La Suisse et la Bosnie, qui ne sont pas membres du mécanisme, devraient le rejoindre pour que celui-ci acquière une dimension véritablement continentale. Par ailleurs, en ce qui concerne les opérations extérieures coordonnées par la Commission européenne lorsque des pays tiers sollicitent une assistance, il est nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles ces opérations peuvent avoir lieu. Les États voisins de l’Union européenne ne peuvent pas se contenter de l’approche discrétionnaire qui a régné jusqu’ici dans la décision de déclencher ces opérations. Il faut donc imposer davantage de transparence sur les conditions dans lesquelles une assistance coordonnée peut leur être apportée afin d’éviter des compromis bilatéraux qui sont encore plus opaques.
Le mécanisme souffre également des grandes disparités qui existent aujourd’hui entre les différentes structures nationales de protection civile.
Dans un tel contexte, la France devrait promouvoir une harmonisation du mode d’organisation de ces forces au sein des États membres. De cette manière, l’Union européenne pourrait parvenir à un système dans lequel les différentes forces sont identifiables selon une typologie unique, à la manière des codes de l’OTAN. Une discussion à l’échelle européenne pourrait être menée sur l’organisation optimale en la matière. Si les échanges devront tenir compte des spécificités propres à chacun des pays, il est essentiel qu’ils aboutissent à une solution unique et universelle. Dans cette même optique, il pourrait aussi être envisagé d’uniformiser le matériel et la formation des forces de protection civile du continent. Compte tenu du caractère éminemment régalien de ce domaine, une coopération renforcée semble particulièrement à propos afin que les ambitions qui se sont déjà exprimées sur le sujet de la protection civile ne soient pas revues à la baisse au cours des négociations qui s’annoncent déjà longues. La présidence française de l’Union européenne du premier semestre 2022 pourrait ainsi être l’occasion de poser les bases d’une véritable Europe de la protection civile, qui serait le pendant de l’Europe de la défense. En effet, compte tenu du lien qui unit ces deux aspects de notre politique de sécurité (civile et militaire, intérieure et extérieure), l’un ne saurait se concevoir sans l’autre.
Autour d’une cartographie précise des risques, le mécanisme de protection civile européenne se doit d’être un pan robuste de l’impératif croissant de solidarité au sein de l’Union européenne.
L’Union européenne pourrait également concevoir, à partir des travaux déjà menés en la matière, une cartographie générale et exhaustive des risques, qu’ils soient politiques, environnementaux ou technologiques. Sur le fondement de cette typographie, de nouveaux mécanismes de solidarité pourraient être conçus à l’échelle européenne. En particulier, il semblerait légitime que les États membres les plus exposés à ces risques n’aient pas à porter l’intégralité du fardeau financier que représente leur traitement. Cette problématique est récurrente : les inondations qui ont submergé en 2010 la Pologne, provoquant 25 morts et plusieurs centaines de millions d’euros de dégâts, auraient dû aboutir à un renforcement du fonds européen de solidarité. Si l’usage veut que le recours au mécanisme européen de protection civile ne coûte presque rien à l’État membre qui le sollicite, il serait donc temps de formaliser cette convention dans des textes juridiquement contraignants vis-à-vis des États, quitte à l’assortir de mécanismes de contrôle. Ce ne serait là que tirer les conséquences logiques de l’article 3.3 du TUE, qui affirme que l’Union promeut « la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres ». De même, la mise en commun des équipements doit être accélérée. Elle permettrait aux États membres de dégager des marges budgétaires et améliorerait l’interopérabilité des différentes forces nationales de protection civile.
Pour l’Union européenne, le dernier enjeu, qui rassemble tous les autres, est de parvenir à créer une confiance durable entre les États membres sur le thème de la protection civile. En complément des différentes mesures proposées précédemment, l’Union européenne doit également établir et maintenir des contacts réguliers entre les forces de protection dont disposent les États membres. Il lui faut donc multiplier sous ses auspices les sommets et exercices dédiés au renforcement de la coopération en matière de protection civile. Elle contribuera ainsi à la création d’une culture opérationnelle commune, qui sera un terreau fertile pour les coopérations à venir.