Éditorial - Que pouvons-nous attendre de 2021 ?

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Emmanuel benamou est conseiller spécial auprès du président du Cercle Orion, en charge des questions politiques.

L’année 2020 s’est achevée sans remord pour l’humanité. Finies les scènes de liesse sur les Champs-Élysées noirs de monde pour célébrer la nouvelle année, les feux d’artifice, et l’insouciance de réveillons festifs. L’esprit n’y était pas en cette fin d’année.

2020 a vu se propager un virus encore inconnu il y a de ça un an à une vitesse incroyable. Dès mars, près de la moitié de la population mondiale s’est retrouvée confinée. Du jamais vu. Près de 90 millions de personnes ont été infectées par la Covid-19 dans le monde, et deux millions y ont déjà succombé, dont 65 000 en France. 

La première année de la décennie devait être autre, et permettre de tourner la page d’un moment sombre, marque du retour de la mort dans nos sociétés, souvent anesthésiées à la douleur et aux malheurs. Elle doit augurer l’élargissement d’une campagne de vaccination sans précédent, fruits de l’excellence universitaire internationale, et de la coopération européenne.

Mais 2021 ne permettra pas de tourner la page de la Covid à court-terme, qui ne s’effacera pas en tournant une page de calendrier. Nous continuerons de subir encore les exigences qu’imposent de telles exceptions. Mais comme l’a dit le Président de la République lors de ses vœux, 2021 doit incarner « un nouveau matin français ». Ce matin doit être celui de notre réconciliation, et de la projection en confiance et concorde dans un avenir commun : celui d’une nation apaisée et européenne. Mais le chemin est encore long avant de parvenir à un tel dessein.

Ce nouveau matin doit d’abord être celui de la confiance. Pourtant centrale en démocratie, caractère essentiel du destin français, celle-ci semble pourtant s’être évaporée au gré du temps. Phénomène dramatique, elle atteint des relations toujours plus diverses. La relation que les Français entretiennent avec leurs gouvernants, dans leurs forces de l’ordre, entre eux, dans l’Europe, et même dans la science est altérée. Une telle dégradation est mortifère. Elle anéantit notre République et notre démocratie, en ce que l’action publique devient illégitime. Seuls 12% de nos concitoyens déclarent avoir confiance dans leurs décideurs. Elle fracture le cœur de notre nation, et morcelle une identité pourtant si précieuse. Ces scissions cumulatives en deviennent irréconciliables et intenables ; elles sont sociales, territoriales, économiques, numériques. 

Avec une telle perte de confiance, comment engager la destinée d’un pays en des temps si troubles ? C’est contre cette « société de la défiance » que décrivait Yann Algan que nous devons en premier lieu agir. 

Nous devons être capable d’un réel sursaut pour vivifier cette confiance existentielle. D’un point de vue politique, Dominique Rousseau prône de « démocratiser la démocratie ». Les partis politiques doivent être réinvestis d’une autorité morale légitime, le débat des idées et l’apaisement doivent être érigés en principe universel, quand la violence politique semble pourtant persister.

Il s’agit là d’un chantier fondamental ; l’action publique doit retrouver son sens, son efficacité, et l’adhésion des Français. Elle est un préalable à l’avènement d’une société réconciliée, en concorde et conquérante.

La confiance doit être rétablie au profit des autorités de la société, académiques, intellectuelles, et scientifiques. Le complotisme s’est nourri d’un terreau aussi fertile que destructeur, et que la pandémie semble avoir irrigué. En atteste l’intrusion malveillante du syndrome QAnon dans nos démocraties. Le rôle des réseaux sociaux, et de ce que le Président Macron considère comme une « horizontalisation de la société » est évident. Si les dégâts produits par de tels mouvements sont conséquents, ils ne sont pourtant pas irréversibles. L’intelligence collective et l’engagement de chacun doivent triompher face aux obscurantismes. La raison et l’ère positive ne doivent rien céder aux horizons ténébreux que les complots promettent et fantasmes. 

2021 doit marquer le départ d’un nouveau moment. Au point de départ, il nous est impérieux de savoir qui nous sommes. Alors que le projet de loi « confortant les principes républicains » sera débattu au Parlement au début de l’année 2021, la promotion de la laïcité comme valeur fondamentale de la République, et la lutte contre les dérives islamistes doivent devenir des exigences capitales et existentielles pour projeter la nation dans l’après et son futur concordant. Car il est bel et bien question ici de nation. 

Rétablir la confiance entre les Français, leurs gouvernants, et la raison, c’est esquisser un avenir de l’adhésion, que chacune et chacun plébisciteront comme projet de société et d’avenir triomphants. 

Ce projet ne pourra briller que s’il est illuminé des étoiles du projet européen. Alors que l’année 2020 s’achève, nous devons nous féliciter des accomplissements exceptionnels que l’Union européenne a réalisés ces dernières années. Le plan de relance âprement négocié par le volontarisme d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, permettant de recourir à l’emprunt commun, autant que les politiques monétaires accommodantes menées par la Banque centrale européenne (BCE) depuis le début de la crise sanitaire sont des progrès de taille. 

L’engagement de l’Union européenne afin de proposer une réponse vaccinale commune, autant que sa réaction au travers de deux projets de règlement sur le marché numérique sont des concrétisations qui apporteront à l’Union et à ses citoyens des garanties supplémentaires, et qui constituent une étape supplémentaire vers une intégration et un rapprochement des peuples plus poussés. 

Par de tels aspects, l’Union se réalise comme « le levier d’Archimède » de ses États-membres, et notamment d’une France qui doit embrasser pleinement son destin européen, consubstantiel de son avenir national.