Crise du Coronavirus : La Terre éternue, la mondialisation et le capitalisme en question
Nous vivons dans un capitalisme débridé que rien ne semble (semblait ?) arrêter. Toujours plus. Plus vite, plus de richesse. Nous puisons dans les ressources de notre habitat, comme si la Terre était de ressource infinie. Nous écoutons les discours environnementaux alarmistes, nous y adhérons mentalement, et pourtant les conséquences climatiques ne semblent pas réellement nous impacter. Nous continuons donc notre rythme effréné. Il faut produire, se divertir, amasser. Comme des enfants indisciplinés, nous n’arrivons pas à nous restreindre, et comme un parent lassé de laisser faire, la Terre a dit stop. Nous sommes forcés au repos, au recul, à l’écoute et à la réflexion.
Cette crise nous met face à nous-même et aux conséquences de nos actions. L’ennemi n’est pas identifiable. Ce n’est pas un pays, une idéologie, une dictature. Ce n’est pas non plus une catastrophe naturelle dont on ne pourrait blâmer que le hasard. Le coronavirus, au final nous en sommes tous responsables, de près comme de loin. En réduisant l’habitat des animaux, nous forçons la promiscuité avec des espèces qui auraient dû ne jamais croiser l’homme ou que ponctuellement. Nous créons des ponts qui à l’état naturel n’auraient pas dû exister. Mais la réunion de conditions propices à la création d’une épidémie n’est pas le seul élément responsable de cette crise. L’interconnexion des hommes de notre époque fait que l’épidémie n’est pas géographiquement contenue comme elle l’aurait pu l’être cinquante ou cent ans. Du fait des connexions aériennes multiples, incessantes et mondialisées, un événement dans un marché chinois peut en quelque mois devenir un événement dans notre ville, notre quartier, notre rue. Et cette mondialisation, tout comme la dégradation des conditions environnementales, nous l’avions en tête, mais nous ne l’avions pas réellement intégrée. La Terre a fait en sorte de nous le rappeler.
Peut-être que notre négation de la réalité nous a fait pécher par arrogance. La prise de conscience de la gravité de cette épidémie a mis longtemps à venir. Même lorsque l’Italie été infectée, nous nous sentions invincibles, comme si nous n’étions pas non concernés. Et maintenant, nous nous trouvons dans une situation que personne n’aurait pu imaginer il y a de ça juste deux semaines : Paris désert (ou presque), les activités économiques réduites au minimum, et nos libertés individuelles entravées. L’ADN de notre monde capitaliste est touché en plein cœur.
Que faudrait-il retenir de cette crise ? Loin de vouloir répondre un sentiment de culpabilité, je pense qu’il faudrait prendre cet éternuement de la Terre comme une possibilité de pause et de réflexion.
La France a choisi le semi-confinement comme moyen de lutte contre la propagation du Covid-19. Ce choix a très vraisemblablement été fait par défaut, faute de pouvoir (ou d’avoir pu) mettre en place d’autres moyens d’endiguement de l’épidémie, comme l’ont fait la Corée ou Taïwan. Quoi qu’il en soit le confinement pose une première question de libertés personnelles. Nous vivons dans un monde où nous jouissons d’une grande liberté de déplacement, où nous pouvons sortir jour et nuit, où nous voulons, et la plupart d’entre nous peut voyager. La question de la privation des libertés était jusque lors réservée aux condamnés, purgeant une peine infligée par la société pour avoir outrepassé leurs droits. Cette peine doit concrètement servir deux buts : punir et donner un temps de réflexion sur les actes commis. Peut-être que cette crise fait de nous des condamnés temporaires, et devient une occasion forcée de réfléchir sur notre impact environnemental et sur notre modèle économique.
Le confinement pose une deuxième question : celle des liens sociaux. Ceux qui sont confinés à plusieurs doivent réapprendre à vivre ensemble parfois dans des espaces exigus, et ceux qui sont seuls réalisent l’importance des liens sociaux, souvent trop superficiels. Peut-être que cette crise est l’occasion de recréer du lien, un lien social que le monde moderne a dilué au profit de choses matérielles.
Le confinement pose aussi une question environnementale. Lorsque l’homme diminue son impact, de par le bruit, la pollution, ou juste sa présence, les animaux reviennent peupler les espaces que nous nous sommes appropriés, le ciel et les mers recouvrent leurs couleurs naturelles. Cette reconquête animale et de la nature nous force à voir notre réel impact. Peut-être que cette crise est aussi l’occasion de redéfinir notre lien à la nature, non pas en tant qu’espèce dominante, mais en tant qu’espèce co-dépendante.
Le confinement pose enfin une question économique. Avec la fermeture des restaurants, bars, lieux de divertissement, le travail pour certains s’est arrêté et pour d’autres s’est ralenti. Nous nous préparons à une crise économique et nous imaginons même qu’après la sortie de la crise sanitaire le monde tombera en récession. Peut-être que cette crise est aussi l’occasion de redéfinir notre relation au travail.
Au final, cette crise pourrait être l’occasion de nous repositionner vis-à-vis de la nature mais aussi vis-à-vis de nos pairs. Si nous n’apprenons pas les leçons que cette crise nous force à étudier, nous risquons de le payer encore plus cher la prochaine fois. Il est donc primordial de repenser notre modèle sociétal et environnemental.