Editorial : La résilience de la nation française
Mais où a donc bien pu passer le temps si doux des « jours heureux », que promettait au printemps dernier le Président de la République, alors animé d’un optimisme que nous jugerions aujourd’hui irrationnel ? Alors esprits candides et innocents, nous avons été frappés d’effroi une première fois le 17 mars lorsque nos libertés d’aller et venir ont été empêchées. Nous pensions connaître l’inouï, l’inédit, un épisode tellement absurde qu’il ne pourrait se reproduire. Enfin, les beaux jours arrivants, et nos efforts ne pouvant rester vains, il nous était impensable qu’un ennemi microbien puisse contraindre notre mode de vie qui devrait s’imposer in fine. Ce devait être l’ordre des choses. Une seconde vague ? Elle ne pouvait pas survenir. « Nous y sommes préparés », nous dit le Ministre des solidarités et de la santé, le 10 juillet. Tellement préparés ! : « because tests, because masques, because hôpitaux prêts », dixit Bernard-Henri Lévy, dans un tweet du début du mois de septembre que l’insolent remarquera.
Que nenni ! Le mercredi 28 octobre, le Président de la République a souhaité réinstaurer « le confinement qui a permis de mettre un coup de frein brutal à l’épidémie ». La circulation du virus est en effet devenue incontrôlable ; chaque jour, plus de 50 000 personnes sont contaminées par la Covid-19 alors que les membres du Conseil scientifique en doublaient le nombre, incluant les asymptomatiques.
Même les différentes mesures de police mises en place dès la fin du mois d’août n’ont pas permis d’enrayer l’épidémie : le port du masque, rendu obligatoire au niveau local sur décision du représentant de l’État ou du maire, autant que les couvres-feux établis n’ont pas suffi. Nous ne pouvions donc y échapper ; une seconde fois en l’intervalle d’un an, nous nous retrouvions empêchés de nous déplacer librement, mis sous cloche ; mais seules de telles restrictions sont de nature à bloquer la circulation du virus.
Enfin, une telle issue était inévitable ; et elle le sera de nouveau. Nombreux sont les Professeurs de médecine qui appellent à se préparer à plusieurs phases de stop and go similaires jusqu’à l’été 2021… en étant optimiste, notre sort collectif étant toujours subordonné à l’invention d’un vaccin, ou autre miracle.
Chaque jour, à l’heure où nous écrivons, ce sont près de quatre cent personnes qui perdent la vie des suites de la Covid-19. Le virus rôde à chaque coin de rue. Des femmes et des hommes de tous âges meurent. Le 3 novembre, Olivier VÉRAN, fébrile et atteint, s’est emporté à l’Assemblée nationale, contre des députés : « Je suis rentré dans deux chambres dans un service de réanimation. Dans la première chambre, il y avait un jeune homme de 28 ans dans le coma. Dans la deuxième chambre il y avait un homme en surpoids âgé de 35 ans (…). C'est ça la réalité Mesdames et Messieurs les députés, si vous ne voulez pas l'entendre sortez d'ici ! ».
De plus en plus de voix s’élèvent, notamment parmi les jeunes générations, pour dénoncer le sacrifice dont sont victimes ceux pour qui « il est difficile d’avoir vingt ans en 2020 » ; tantôt, ce sont de réelles préoccupations qui hantent un l’imaginaire d’un monde d’après de plus en plus incertain. Tantôt, ces paroles ne reflètent qu’un égoïsme insolent, contraire aux valeurs humanistes les plus élémentaires.
L’horreur sanitaire s’est accompagnée de la vive résurgence de l’hydre du terrorisme islamiste ; par le meurtre odieux de Samuel PATY, il nous a rappelé qu’il était toujours présent. En France, les années 2010 ont été marquées du sceau de cette barbarie ; dans une école à Toulouse, sur la Promenade des anglais, à des terrasses parisiennes, au Bataclan, et bien sûr dans les locaux de Charlie Hebdo, nous avons été menacés et blessés ; la vie s’y est envolée, du sang a coulé. Mais nous ne pensions plus pouvoir souffrir ainsi. Malheureusement, il en est autrement, et la violence des attaques récentes nous a rappelé que nous n’avions pas fini d’éradiquer l’obscurantisme.
Désormais, il se trouve aussi à chaque coin de nos rues ; à la sortie d’un collège, ou d’un lieu de culte. A chaque attaque, nos valeurs les plus fondamentales sont attaquées. Ces actes commis au nom de l’islamisme politique visent à détruire notre idéal le plus cher : « l’audace de la liberté, l’exigence de l’égalité, la volonté de la fraternité, et la fierté de vivre en République ».
Alors que ces urgences nous pressent, notre devoir est de faire front commun. Nous ne saurions céder ni à la peur, ni aux divisions et luttes intestines.
Cela même alors que les douleurs économiques, les déchirures sociales, les fractures territoriales et les schismes culturels que nous aurons à affronter demain seront d’une violence encore jamais vue, et pèseront sur notre avenir commun.
Le défi est immense. Mais nous ne renoncerons pas alors que l’Histoire et son flot tragique reprennent leur cours. « Face à l’événement, c’est à lui que l’Homme de caractère recourt », écrivait De Gaulle ; « n’oubliez jamais que nous sommes la nation française », professait lors de ses vœux pour l’année 2018 le Président de la République. C’est à cette nation française de démontrer sa résilience et son courage.
Dès demain, le climat politique sera métamorphosé : il se dévoilera à nous dès les prochaines échéances. En particulier, la jeune génération aura la mission immense de porter ce nouveau souffle qui mobilisera ensemble les corps d’une société française unie, apte à naviguer sur les flots tempétueux du monde d’après. Il est temps de faire honneur à la devise de Paris ; « fluctuat nec mergitur ».