Discours d'Alexandre MANCINO, rapporteur du groupe de travail "Droit & Economie" du Barreau de Paris (13/06/2019)
Madame le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs les candidats aux élections européennes,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes à un tournant géopolitique majeur. Il est de la responsabilité de la jeune génération de comprendre les défis de l’époque et de la mondialisation en s’engageant pour l’Europe qui est notre avenir commun à toutes et tous.
L’Europe est avant tout une idée, un concept.
Une idée de paix dans une zone intégrée régie par des normes permettant des échanges justes, équitables et soutenables.
L’Europe est à une période charnière de son histoire. Trop souvent vilipendée, elle doit être profondément repensée pour insuffler un nouvel élan et être capable de peser face aux États Unis et la Chine. La vérité, c’est que l’Europe est la seule échelle géographique crédible pour être un acteur de puissance au XXIe siècle.
Les principaux thèmes abordés dans le groupe de travail « droit et économie » ont été nombreux :
S’agissant tout d’abord de la simplification des démarches des entreprises, un Code européen des affaires pourrait voir le jour et permettre ainsi une meilleure fluidité et facilité d’installation dans l’UE. Ceci répondrait aux besoins constants des entrepreneurs de simplification des démarches et d’harmonisation de ces dernières dans tous les pays membres mais contribuerait aussi à l’attractivité juridique du Vieux Continent.
Pour ce faire, ce droit européen des affaires va de pair avec l’établissement d’un taux de fiscalité unique afin d’éviter le dumping fiscal et les disparités entre pays (notamment à travers une harmonisation des taux de TVA).
Ensuite, la coopération renforcée doit évoluer et se recentrer sur les pays qui souhaitent davantage d’intégration. Il est impensable de freiner l’intégration à l’heure où seule la force fait la différence dans le renouvellement de la puissance à travers le monde. Un budget européen digne de ce nom serait un outil essentiel pour aider à plus d’intégration. Le Brexit doit être vu dans ce contexte, comme une vraie opportunité de relance pour l’UE.
Aussi, l’exemple de l’interdiction de la fusion Alstom Siemens par la Commission Européenne est révélateur d’un bon nombre de dysfonctionnements.
Ceci appelle à deux remarques :
-La notion de marché pertinent doit s’appréhender au niveau international et non pas au seul échelon européen. Ceci appelle à réformer notre droit de la concurrence pour encourager l’émergence de champions européens.
-Le deuxième point concerne le nécessaire établissement d’une politique industrielle européenne. L’UE gagnerait à tirer profit du refus de la Commission pour élargir son champ de compétences et fonder ainsi une politique industrielle commune. Ceci est l’une des solutions pour repenser notre souveraineté européenne en n’ignorant pas naïvement les mastodontes américains ou chinois.
Quelques mots maintenant sur le numérique qui révolutionne nos pratiques. L’Europe ne peut ignorer cette nouvelle réalité. Elle ne peut non plus ignorer la guerre économique actuelle, n’ayons pas peur des mots, qui sévit entre les puissances. Un juste équilibre entre innovation et régulation doit être trouvé pour favoriser l’émergence de GAFAS européens. L’idée de création de clouds européens ou d’un RGPD pour les données des entreprises serait à considérer.
Enfin, à l’heure de la guerre économique et de la recomposition de la puissance à travers le monde, l’Europe doit oser innover sur le plan juridique et considérer le droit comme un outil de puissance et de souveraineté à son service, et non pas à son détriment. Il est urgent de se doter d’outils juridiques capables de contrecarrer l’application extra-territoriale du droit américain et les politiques incitatives chinoises à l’égard de leurs propres entreprises.
Plus de pragmatique qui ne feint donc pas d’ignorer les pratiques économiques d’autres pays est nécessaire.
L’enjeu est profond car c’est l’avenir des Européens et leur capacité à demeurer une puissance de taille qui va se déterminer.