[Compte-rendu] - Dîner-débat avec Xavier DRIENCOURT
Le 18 décembre s’est tenu le dernier dîner-débat de l’année, consacré à la thématique Identité, Immigration & Intégration en compagnie de M. Xavier DRIENCOURT, ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020. Cette soirée a permis une discussion approfondie sur les relations entre la France et l’Algérie et sur les problématiques migratoires afférentes, lesquelles sont fortement conditionnées par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
L’accord, conclu entre la France et l’Algérie, relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, y compris ses avenants signés au cours des différentes phases des relations diplomatiques franco-algériennes depuis 1968, fixe les règles du droit des étrangers algériens en France. Ces règles dérogent donc au droit commun, résultant de la loi française, notamment le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
Si un certain nombre de lois ont apporté des modifications au CESEDA, et bien que des discussions politiques portent actuellement sur une future modification de ce même code, la situation des Algériens en France ne s’en trouvera pas affectée compte tenu du fait que l’accord franco-algérien prévaut. Les deux principales voies de migration depuis l’Algérie, à savoir le regroupement familial et le visa de tourisme, sont exclues des règles législatives déterminées par le Parlement français. Les titres de séjour sont délivrés de manière dérogatoire, avec des durées de séjour nécessaires différentes de celles requises par la loi pour les autres étrangers. Les exigences d’intégration et de respect des principes républicains, qui ont été renforcées dans la période récente, ne font pas partie de l’accord franco-algérien. En outre, le titre de séjour d’un Algérien est le seul à être automatiquement renouvelable de plein droit sauf en cas de fraude. Le retrait du titre de séjour en cas de trouble grave à l’ordre public n’est donc pas non plus applicable, alors même que cette procédure a été renforcée à l’égard des autres étrangers, dans un contexte de menace terroriste, par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
L’accord franco-algérien a été révisé par des avenants mais jamais dans le sens d’un alignement avec le droit français régissant l’entrée et le séjour des étrangers, à l’exception de l’introduction des visas dans les années 1980.
Du reste, l’Algérie a obtenu que les conditions d’accueil plus favorables votées sous le Gouvernement JOSPIN en 1998 soient intégrées. En revanche, l’entrée et le séjour des Français sur le sol algérien ne fait l’objet d’aucune dérogation par rapport aux autres nationalités, même européennes, ce qui induit une asymétrie flagrante.
Ce régime dérogatoire largement favorable aux Algériens par rapport aux ressortissants d’autres Etats pèse sur la politique migratoire française compte tenu du fait que près de 900 000 Algériens vivent en France, soit la nationalité étrangère la plus présente sur le territoire national, représentant 12,7 % des étrangers. La solution préconisée par l’ambassadeur Xavier DRIENCOURT est par conséquent la dénonciation de l’accord en vue d’aligner les règles d’entrée et de séjour sur celles du droit commun applicables dans l’espace Schengen. Cette dénonciation permettrait d’entamer une renégociation de ces conditions avec les autorités algériennes afin de soumettre les ressortissants algériens aux règles françaises en matière de titres de séjour, de respect de l’ordre public et des principes de la République.
Il convient de souligner que la difficulté d’une telle décision n’est pas juridique mais politique, tant sur le plan de la politique intérieure que de la diplomatie. Or, la France étant dans son bon droit pour dénoncer l’accord, seule la détermination des dirigeants manque pour reprendre le contrôle des flux migratoires avec l’Algérie.
D’une manière plus générale, la capacité à contrôler les allées et venues aux frontières de son territoire est un élément essentiel de la souveraineté nationale. Dans une démocratie, les mesures préconisées par le peuple éclairé par la raison doivent être mises en œuvre. La politique migratoire est, dans le contexte actuel, l’un des angles morts du débat démocratique en raison de son caractère essentiellement polémique. Or, le poids de la France dans l’équation politique internationale dépend aussi de sa capacité à faire respecter les règles qu’elle fixe sur son sol.
Ce dîner-débat a permis d’éclairer le débat sur les raisons techniques à l’origine des difficultés rencontrées dans la régulation des flux migratoires grâce à l’expérience avisée de Xavier DRIENCOURT. Cet événement clôt l’année 2024 du Cercle Orion. Le prochain événement sera la soirée des vœux du Président le 16 janvier prochain.