L’enjeu des écosystèmes technologique des PECO face à la puissance Russe
A. La souveraineté nationale passe par un écosystème technologique puissant et autonome
L'invasion de l'Ukraine par les forces marque le début d'une guerre totale, sur le terrain, mais également dans les sphères technologiques.
Ces sphères comprennent bien évidemment la sécurité et la cybersécurité, l'approvisionnement en électricité et en moyens de communication (internet, réseau satellite, couverture téléphonique) et enfin, la capacité à innover dans l'intégralité des besoins de développement (medtech, armement, communication, mobilité).
Cela fait 4 mois que des attaques contre les sites gouvernementaux ukrainiens étaient orchestrées depuis la Russie. Les hackers sont passés à la vitesse supérieure, avec de nombreuses attaques de phishing, visant à déstabiliser l’infrastructure technique, et limite les capacités de communication du pays envers ses habitants.
Cet enjeu de souveraineté nationale fait partie intégrante de la richesse intangible des pays, et notamment des PECO et des pays baltes, anciennement pays intégrés à l'URSS ou satellitaires.
Ces pays étant auparavant intégrés au réseau russe avaient de facto fait grandir leurs écosystèmes en se basant sur le système russe, lui-même s’appuyant sur des universités de mathématiques et de physiques de renommée mondiale. L'innovation était faite par l'Etat pour l'Etat, ce qui entrainait mécaniquement une orientation des investissements vers les composantes militaires, spatiales ou de communication, à des fins le plus souvent militaires.
On le voit avec les 3.9% de dépenses militaires russes depuis 2008, soit deux fois plus que la moyenne des grandes puissances de l’OTAN.
C'est ici la limite du système, l’ouroboros. Celui qui oublie qu’un monde ailleurs se forme.
En effet, un système qui est nourrit par l'Etat et qui se développe pour lui suit nécessairement un chemin tracé qui limite sa capacite à innover et surtout se coupe de choix technologiques de ruptures, ceux-ci même qui accélèrent la croissance des pays plus petit. Et c’est ce que craint également la Russie.
Preuve de sa faiblesses technologique et industrielle, la Russie a raté les tournants majeurs technologiques (EV, AI, Telco). Son seul pied de nez, c’est d’avoir créé un missile capable de raser un continent entier.
La souveraineté technologique russe, c'est sa capacité à concevoir des armes plus puissantes, des systèmes de surveillances perfectionnés et des modules de contre-attaque cybernétiques parmi les plus puissants du Monde. Il n'y a donc pas d'information qui échappe à l’intelligentsia russe.
Si l'on compare avec les orientations prises par les anciens pays satellitaires, elles sont nécessairement plus commerciales et se positionnent dans une économie de marché ouverte.
Les exemples sont les pays baltes, petits par leur taille et leur influence géopolitique, mais forte sur la scene internationale avec des géants comme Vinted, Transferwise, Bolt ou le moins connu d'entre eux : Skype.
B. Comment cela fonctionne et comment s'en inspirer ?
Faire face à une économie de marché lorsque que l'on sort du carcan soviétique, c'est un challenge complexe que l'Ukraine a lentement pris le parti de relever : Des réformes de la fiscalité avantageuse, favorisant l'émergence de produits technologiques hautement valorisés, un environnement social et climatique propice et l'afflux de capitaux étrangers : C'est cela la recette d'un environnement technologique efficient.
Cette configuration est nécessaire pour permettre un investissement plus facile des fondateurs et des organismes de support dans d'autres créations d'entreprise et remettre de l'eau dans le moulin de la création, afin d'éviter la croissance artificielle d'un écosystème uniquement financé par l'Etat.
C'est également le parti pris de la France qui s'est à la fois doté d'organismes et de think tanks permettant la création de géants, capables de conquérir l'Europe, utilisant le terreau fertile d'universités prestigieuses, d'incubateurs de haut niveau et d'un accès à la "poudre" plus facile.
En Ukraine, les premières fondations d'un tel environnement ont été lancées des lors que le gouvernement a choisi de plus se tourner vers ses partenaires de l'Ouest.
Plus de financement public, la création de bourses pour les étudiants qui choisissent de lancer des startups, et des incubateurs à "spectre large" dont Unit City, que j'ai eu la chance de visiter, près de Kiev.
La lumière au bout du tunnel d'une nouvelle génération qui pourrait prendre en main son destin, comme l'ont fait nombre de leurs voisins.
C. Des défis immenses et un choc des pensées
Cette guerre, aussi brutale, aussi inattendue, marque définitivement un choc des civilisations et des doctrines sur bien des points, notamment technologiques.
Avec un potentiel élevé, l'Ukraine est un pays proche des nations très développées de l'ouest, avec une main d'œuvre jeune et anglophone, dopée au coding et au développement, ressource rare sur le marché.
Le support de nombreuses organisations face aux attaques cybernétiques montre à quel point les Ukrainiens sont déjà présents dans ces sphères-là, plus réservées aux hackers russes auparavant.
Le soutien d’Elon Musk, au travers de Starlink, montre également l'importance stratégique d'un pays qui va devenir l'usine technologique de l'Europe, possédant des ressources extrêmement fournies, utiles dans la fabrication de composites pour batteries au lithium et une population jeune, accro aux nouvelles technologies.
Un défi s'imposera nécessairement à cette jeunesse que la Russie est en train de faucher en plein vol. On l'a observé avec les développements dans les pays baltes et même dans certaines zones polonaises, le PIB est étroitement corrélé à l'indice d'expertise technologique et la capacite des entreprises et des universités à déposer des brevets.
La Pologne, 16e de ce classement, l'Ukraine 19e, affichent des croissances a deux chiffres quand la Russie voit un recul de 20% chaque année, marquée par le délabrement de son appareil éducatif et productif et la non-compétitivité des salaires.
D. Axes et Mesures : Et après ?
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Tout d'abord, le conflit doit se terminer et il m'est impossible d'écrire ce papier sans penser aux familles oppressées, qui luttent minute par minute face à un adversaire brutal et cynique. Parmi elles, de nombreux amis ukrainiens que je n'oublie pas.
Le support et la reconstruction, sous la forme qu'elle devra prendre, devra se faire également au rang de la collaboration technique.
Kiev est une plaque tournante de la nouvelle vague technologique, proposant un ensemble d'avantages pour les entreprises européennes et un soutien financier sera nécessaire pour reconstruire ces réseaux.
Mieux intégrer les pays du PECO dans les réseaux internationaux de startups et d'entreprises technologiques permettra de mieux en comprendre les subtilités et le potentiel.
Je pense également à la mission French Tech qui permet à de nombreux entrepreneurs de venir sourcer des talents en Ukraine et de tester leurs produits.
Des partenariats avec les tops universités européennes, des challenges consacres aux sujets majeurs (IA, Quantum, deep tech), des collaborations rapprochées au niveau régional permettra de reconstruire rapidement ces éléments intangibles, qui même s'ils étaient encore embryonnaires, représentaient une force de la future Ukraine.
A mes amis ukrainiens, nous ne vous oublions pas.