Compte-rendu - Dîner-débat avec Jean-Marc SAUVÉ
Le Cercle Orion a eu l’honneur et le plaisir de recevoir Jean-Marc SAUVÉ en ce mardi 08 novembre pour un de nos prestigieux dîners-débats signatures. L’invité, ancien vice-président du Conseil d’Etat et aujourd’hui notamment président de la Fondation Apprentis d’Auteuil et de la Cité universitaire internationale de Paris, nous a livré une analyse dense et riche sur nos institutions et la vitalité de la citoyenneté, axes au cœur des réflexions que le Cercle Orion mène au sein de sa nouvelle Initiative Gouverner Ensemble, lancée officiellement à l’occasion de cet évènement.
Jean-Marc SAUVÉ nous a dépeint premièrement ses constats sur la société et l’action publique françaises actuelles, en les structurant autour de deux principes forts : la crise du commun que nous vivons à l’heure de l’individualisme et du triomphe des droits subjectifs, d’une part, et, d’autre part, le décrochage socio-économique et même moral de la France et des Français faute d’une action publique qui n’est plus efficiente.
L’ancien vice-président du Conseil d’Etat s’est désolé de la crise du commun que nos sociétés occidentales vivent. Alors que, citant l’article “Etat” de DIDEROT dans l’Encyclopédie qui affirme qu’« une multitude n’est qu’un assemblage de plusieurs personnes, dont chacune a sa volonté particulière, [quand] l’État est une société animée par une seule âme qui en dirige tous les mouvements d’une manière constante, relativement à l’utilité commune », la société française se confond de plus en plus dans l’individualisme le plus extrême. Jean-Marc SAUVÉ situe le début de cette dynamique dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, apothéose de l’humanisme et de l’esprit des Lumières, a consacré des droits subjectifs qui ne cesseront de prendre de l’importance au quotidien. Pour l’illustrer à notre époque, deux exemples ont été convoqués : la multiplication d’émissions où des citoyens invités demandent aux candidats à des élections ce qu’ils feraient pour leur cas individuels, et non sur de grands sujets communs ; l’extension de la terminologie de “LGBTQIA+” montrant la volonté de n’exclure personne par exhaustivité au risque sinon d’être perçu comme un sigle discriminatoire. La crise du commun, à l’heure du réveil des communautarismes en concurrence à la Nation comme ciment social, est ainsi le ferment d’un mal majeur rongeant notre Nation.
L’éminent haut-fonctionnaire que fut Jean-Marc SAUVÉ a convoqué sa riche expérience pour mettre en exergue un autre mal français : notre décrochage. L’érosion de l’égalité des chances instille, couplée aux effets désastreux de la désindustrialisation, un sentiment de dévitalisation des espoirs et un décrochage socio-économique des classes moyennes, entraînant dès lors une véritable tragédie des horizons de la mobilité sociale. Un des facteurs essentiels de ce décrochage est à trouver dans l’action publique française elle-même, gangrenée par une inefficacité voilée par un excès de communication et par un manque de cohérence interne. Evoquant avec passion les coulisses des négociations des Accords de Schengen, Jean-Marc SAUVÉ a souligné la compétition entre services de l’Etat paralysant la décision publique dans un système institutionnel pourtant extrêmement centralisé. Ce système d’ailleurs ne sait plus déléguer et faire confiance en la subsidiarité : l’ancien préfet a notamment mis en exergue les capacités de délégation du Général DE GAULLE et de Georges POMPIDOU, prenant l’exemple de discours fameux comme l’entrée au Panthéon de Jean MOULIN ou l’hommage à François MAURIAC prononcés par les ministres des affaires culturels. Ceci s’oppose au système contemporain, où, par exemple, la décision de l’obligation d’enseignement de l’anglais à l’ENA a été prise au niveau du président de la République !
Dès lors, dans cette crise du politique et de la politique, c’est-à-dire ce qui nous unit et ce qui est mené pour davantage nous unir, Jean-Marc SAUVÉ ne cache pas sans malice sa nostalgie mais aussi, sur un ton bien plus grave, sa crainte d’un danger pour nos démocraties dans le prolongement de la crise profonde qui saisit les Etats-Unis.
A la suite de ce constat lucide et passionnant, Jean-Marc SAUVÉ a tracé certaines pistes de réflexion qui s’inscrivent pleinement dans la motivation qui meut le Cercle Orion, AimPact et Agora.
D’une part, c’est en homme épris de service à sa patrie que Jean-Marc SAUVÉ nous a poussés à mener un diagnostic qui n’épargne aucune “vache sacrée”, ce qui est totalement en phase avec notre méthode assumée de rupture avec le politiquement correct au profit d’un parler vrai sur l’état réel de la France. Il incite le Cercle Orion à s’engager pleinement dans une réflexion programmatique ancrée sur des axes qui fondent d’ores et déjà certaines de nos priorités : être les hérauts d’une France qui croit en elle, qui soit fière d’elle-même au lieu de se confondre dans une repentance permanente ; être les défenseurs d’une France qui redonne confiance à ses citoyens, en refaisant fonctionner l’école méritocratique de la tradition républicaine (combat sur lequel notre invité a fortement insisté, prenant appui sur son expérience à la Fondation “Apprentis d’Auteuil”) ; être les promoteurs de l’unité de la Nation, notamment grâce à l’éducation civique, si fortement nécessaire mais trop insuffisante (comme il l’a mis en exergue dans ses contributions à l’occasion des derniers Etats généraux de la justice) ; être les acteurs d’une transformation de l’action publique qui assure l’efficacité et même l’efficience des services publics fondamentaux, dans un esprit de délégation, de contrôle et de responsabilisation.
D’autre part, Jean-Marc SAUVÉ s’est attardé sur notre équilibre institutionnel et la nécessité de méthodes pour redonner de la vitalité à la citoyenneté. S’il considère que notre équilibre institutionnel doit être conservé sans nier des possibilités de le perfectionner, il partage le constat, porté en premier lieu par la start-up à mission AimPact, de renforcer la démocratie participative dont des manifestations ont émergé depuis quelques années (Convention citoyenne sur le climat par exemple). La solution technologique proposée par AimPact, en s’adressant à tous les administrés au profit des décideurs, doit relever le défi sur lequel se heurte les consultations citoyennes aujourd’hui organisées par la Commission nationale du débat public (CNDP), où se sont à titre principal les opposants les plus virulents à un projet qui participent activement aux discussions, au détriment de la voix majoritaire et de l’utilité commune. De plus, selon le président de la Cité universitaire internationale de Paris, le numérique, au cœur de l’outil AimPact, peut constituer une véritable opportunité démocratique nonobstant les déviances constatées sur les réseaux sociaux. Ce dernier a mentionné l’importance d’acteurs associatifs et privés, extérieurs à la sphère publique, pour redonner du souffle à la citoyenneté, ce qui est pleinement en accord avec l’ambition portée par le Cercle Orion, AimPact ainsi qu’Agora, notre Mouvement citoyen. Si Jean-Marc SAUVÉ considère que la participation n’est pas suffisante pour recréer du lien civique dans notre Nation, il y affirme toute sa nécessité.
Ainsi, Jean-Marc SAUVÉ a partagé les ambitions fortes portées par le Cercle Orion, AimPact et Agora, visant à refaire Nation par un projet politique fort, par une fierté collective retrouvée et par un civisme renforcé.
« L’État, en tant que matrice de la Nation et incarnation de notre désir de vivre-ensemble, est un esprit, autant qu’un projet, auquel il faut redonner consistance. » Cette phrase, extraite d’un discours de Jean-Marc SAUVÉ prononcé en sa qualité de vice-président du Conseil d’Etat (“Servir l’Etat aujourd’hui”), résume pleinement l’esprit du dîner-débat et l’axe dans lequel entend s’inscrire le Cercle Orion, AimPact et Agora.
Le dîner-débat autour de M. SAUVÉ, d’une vive richesse conceptuelle, inaugure de la meilleure des façons l’Initiative Gouverner Ensemble qui aspire, tant par l’action publique que par la détermination d’acteurs privés, à redonner une vitalité à la citoyenneté française par la participation à un projet collectif et ambitieux.
Le prochain évènement organisé par le Cercle Orion se tiendra le mercredi 23 octobre en compagnie cette fois d’une personnalité politique connu pour sa verve passionnante et énergique, à savoir l’ancien député Les Républicains du Vaucluse, Julien AUBERT, aujourd’hui responsable du pôle Idées de Bruno RETAILLEAU.