Tribune - Et si la recherche sur la génétique des plantes constituait un espoir scientifique pour les grands défis écologiques ?

 

Tribune parue initialement dans Le Point - 8 juin 2021

Par les co-présidents du Comité Écologie et Progrès, François de Rugy, ancien ministre et député de Loire-Atlantique, et Alexandre Mancino, avocat au barreau de Paris et président-fondateur du Cercle Orion.

 

En un temps record, le savoir génétique a permis aux scientifiques d’imaginer, de concevoir et de produire en masse un vaccin contre un virus à dimension pandémique. Cet “ARN messager”, dont chacun a désormais entendu parler, doit tout aux travaux des prix Nobel Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. Le “ciseau génétique” CRISPR-Cas9 qu’elles ont conçu a ouvert un infini de possibilités d’applications curatives dont nous ne vivons probablement que les prémices. 

Cette science génétique apparaît globalement socialement acceptée pour guérir l’être humain. Elle joue, dans la lutte contre le COVID-19, un rôle considérable, et seuls s’y opposent désormais des groupuscules minoritaires ou des politiques avides de visibilité médiatique. 

En revanche, dès qu’il s’agit des plantes et des productions agricoles, les mêmes mécanismes technologiques semblent se heurter à des obstacles autrement plus sérieux.

Les potentialités qu’offre cette technologie pour relever les défis de l’alimentation ou de l’adaptation des productions agricoles aux effets du réchauffement climatique n’ont pourtant aucune raison d’être négligées. Faire face à 10 milliards de bouches à nourrir d’ici 2050, réduire l’usage parfois abusif des insecticides ou des herbicides, accroître les rendements agricoles dans des pays, dont le déficit de terres cultivables en proportion de leur population va irrémédiablement se creuser : ces objectifs ne méritent-ils pas que toutes les pistes soient explorées ?

En s’emparant de ce sujet, ô combien explosif tant les positions exprimées, voire imposées par la doxa d’activistes laissent peu de place au débat, le Cercle Orion et son comité Écologie & Progrès ne souhaitent faire ni le procès ni la promotion des OGM.  Il ne s’agit pas pour nous de convaincre les Français ou les agriculteurs de se convertir à ce procédé, mais de définir les conditions d’un débat dépassionné, afin de garantir à la fois à la recherche scientifique un cadre apaisé et simplifié pour mener ses travaux, et d’envisager les conditions d’un usage de ces technologies profitable à tous, dans des conditions d’indépendance des agriculteurs, de clarté de l’information pour les consommateurs, et de refus des logiques de multinationales aux visées monopolistiques.

Sans ignorer ni sous-estimer l’usage désastreux qui a parfois été fait des OGM, comment ne pas voir que c’est la confusion entretenue entre recherche scientifique et application industrielle qui a mené à des actions coup de poing déplorables, comme l’incendie de plantations OGM à l’intérieur de serres et d’un centre de recherche, où il n’existait aucun risque de contamination avec le vivant ?

Face aux défis écologiques et alimentaires du monde, comment admettre que l’idéologie puisse aller jusqu’à détruire la recherche, et l’arrêter des années durant ?

Les raisons de cette situation sont multiples : un déficit de recherche publique – parfois dû aux pressions subies par les chercheurs -, des blocages réglementaires qui ont longtemps contraint la science, l’omniprésence d’un géant, Bayer (qui possède Monsanto, acheté plus cher que la valorisation de sa nouvelle maison-mère), qui concentre les plus grandes parts de marché et se retrouve régulièrement impliqué dans des scandales commerciaux voire sanitaires… 

Nous avons la conviction qu’au pays de Pasteur, dont l’État sait se montrer stratège lorsque les défis l’exigent et au cœur d’une Europe qui a fait la douloureuse expérience de la nécessité de renforcer sa souveraineté technologique, cette situation ne peut perdurer.

La note produite par le comité Ecologie & Progrès que nous coprésidons n’a pas la prétention de répondre à toutes les questions. Les postures idéologiques en pour ou en contre ne permettent pas plus d’y répondre. Notre contribution entend bien poser les termes rationnels d’un débat auquel nous n’échapperons pas.

Les recommandations que nous formulons n’ont qu’un but : mettre, résolument, sans naïveté ni tabou, la science au service des enjeux écologiques.