Xavier Bertrand, l’anti-Macron ?
Par Louis JOUVE, conseiller discours auprès du Président du Cercle Orion
« Je serai candidat à l'élection présidentielle de 2022 », a annoncé Xavier Bertrand le mercredi 24 mars au journal Le Point – une énième déclaration, diront ses opposants. Oui, ce n’est pas la première fois que le président du Conseil Général des Hauts-de-France annonce sa candidature, au risque d’agacer les autres prétendants de la droite. On devine, à l’entendre sur les plateaux de radio et de télévision où il ne rechigne jamais à se rendre, que l’homme est de ceux qui pensent à 2022 tous les matins en se rasant.
Les sondages lui sont flatteurs, lui qui est donné en troisième position à 15~16% depuis octobre 2020. Il se présente comme le meilleur rempart contre l’extrême-droite, alors qu’un récent sondage donnait une victoire de Macron dans un mouchoir de poche face à Le Pen – 52% contre 48% – en cas de second tour en 2022. Xavier Bertrand a tout de l’outsider, celui qui monte, grappille des voix à droite à gauche – et plutôt à droite – pour se retrouver au second tour et l’emporter. De fait, s’il est au second tour, il gagnera, que ce soit face au président sortant ou à Marine Le Pen.
L’ambition, il l’a. L’expérience, aussi. Si l’on a pu reprocher à Macron sa jeunesse en politique, Xavier Bertrand est un habitué des élections qui a eu sa place dans les gouvernements Fillon : Conseiller Général de l’Aisne, Député, Secrétaire d’Etat, Ministre de la Santé, Ministre du Travail, Maire de Saint-Quentin… Depuis plus de vingt ans, Xavier Bertrand a entamé une carrière politique qu’il souhaite aujourd’hui voir atteindre le sommet.
L’« assureur de Saint-Quentin », comme aiment à l’appeler ses détracteurs, peut jouer la carte de l’homme simple et accessible. Il le sait et en abuse. Prenant le contrepied de Macron, il s’adresse à un électorat populaire mais ne sombre pas dans la caricature lepéniste. D’un côté l’énarque, ancien Inspecteur des finances, puis successivement banquier chez Rothschild, secrétaire d’Etat, Ministre, élu à 39 ans président de la République, le plus jeune de la Vème. De l’autre, Xavier Bertrand, qui met en avant les valeurs d’autorité, de travail et se présente comme le candidat des territoires : « Je n'oublie pas d'où je viens. Agent d'assurances à Flavy-le-Martel, ce n'est pas la même chose que banquier d'affaires à Paris ou héritière ! », lançait-il encore au Point.
Son discours est rôdé, il est celui qui peut parler sécurité et immigration sans recevoir l’étiquette d’extrémiste ou de raciste qui colle à la famille Le Pen. Il parle à une partie de la droite conservatrice et libérale et peut séduire, à gauche, les déçus du chef de l’Etat qui ne veulent pas du duo Macron-Le Pen. Il explique placer sa candidature « au-dessus des partis », comprendre au-dessus de Bruno Retailleau, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez, autres candidats potentiels de la droite.
De fait, il n’est à cette heure pas officiellement le candidat de la droite et du centre. C’est la faiblesse de Bertrand : son manque de soutien. L’homme peine à rassembler et suscite parfois de violentes antipathies – voir Brice Hortefeux dans Le Figaro. Autre faiblesse : le flou entourant son programme. A l’écouter, on ne sait pas trop ce qu’il propose. Il veut plus de sécurité, « moins » de bureaucratie et « déparisianer le système ». Beaucoup de critiques, peu de propositions.
Mais ces deux faiblesses sont à relativiser. Xavier Bertrand a le temps, à un an de la présidentielle, de préciser sa ligne. Quant au manque de soutien de sa famille politique, la situation est susceptible de changer dans les prochains mois. En effet un test de taille attend Xavier Bertrand. Il doit être réélu à la tête des Hauts-de-France au mois de juin prochain, ce qui ne sera pas une mince affaire. En 2015, la gauche se retirait au second tour et Bertrand en bénéficiait pour battre la liste rivale d’extrême-droite. Ce ne sera pas le cas cette fois et le duel devrait être très serré.
S’il passe, Xavier Bertrand en sortira renforcé et nul doute que la droite songera sérieusement à se rassembler autour de l’ancien Ministre de Sarkozy. Méfiance donc, vis-à-vis de cet anti-Macron dont la candidature est des plus crédibles pour 2022. Que peut faire l’Elysée ? Pour l’heure, attendre. Mais LREM devra ensuite veiller à parler au potentiel électorat de Bertrand, ce qui implique notamment d’accorder une part importante aux questions de sécurité dans la campagne présidentielle.