L’ARRIVEE DE JOE BIDEN A LA MAISON BLANCHE EST-IL ANNONCIATEUR D’UN RETOUR RAPIDE DU DIALOGUE WASHINGTON / TEHERAN ?

QUAND CESSERONT DE BRULER LES STARS & STRIPES A TEHERAN ?

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Attendus depuis l’investiture de Joe Biden à la Maison Blanche, des premiers signes annonciateurs d’un retour à la diplomatie entre les Etats-Unis et l’Iran sont apparus les 17 et 21 février 2021. Si l’avancée demeure timide, elle tombe néanmoins à point nommé. 

Le changement d’administration présidentielle aux Etats-Unis et l’annonce de l’abandon de la politique de « pression maximale » mise en œuvre par Donald Trump à l’encontre de la République islamique a fait naitre les perspectives d’un retour des deux pays à la négociation et partant, car c’est bien là l’enjeu, celles de la réouverture de l’Iran au commerce international. 

Mais force est de constater que la situation était, jusqu’à récemment, restée largement stagnante depuis le changement de locataire de la Maison Blanche, chaque partie s’étant bornée à marteler sa meilleure volonté pour retourner à la table des négociations, tout en affirmant qu’elle ne s’y assiérait qu’à condition que l’autre se conforme préalablement aux stipulations du Plan Global d’Action Commune (le PGAC)[1].

Le PGAC, accord sur le nucléaire iranien adossé à une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU et accouché en 2016 d’une négociation de plusieurs années, prévoyait la levée de la majorité des sanctions internationales à l’encontre de l’Iran, en contrepartie de l’engagement de cette dernière de l’abandon de son programme nucléaire militaire[2].

Cela sans compter l’arrivée, à peine un an après l’entrée en vigueur de l’accord, de Donald Trump à la Maison Blanche et la sortie unilatérale du PGAC opérée par ce dernier en 2018 comme acte fondateur de sa politique de pression maximale sur l’Iran[3].

Face à ce retrait, vécu comme une injustice par l’Iran et comme un casse-tête diplomatique par les autres parties à l’accord, au premier rang desquels l’Union Européenne, la réponse de la République islamique fût de s’affranchir d’elle-même des engagements qu’elle avait pris au titre du PGAC[4].

C’est dans ce contexte que le Parlement iranien, actuellement à la main des conservateurs, a adopté en décembre 2020 la loi dite "Action Stratégique pour la Levée des Sanctions et la Protection des Intérêts de la Nation Iranienne". Cette loi prévoit en substance, faute pour les sanctions imposées par l'ancien président américain Donald Trump contre la République islamique d’avoir été supprimées au plus tard le 23 février 2021, la suspension de la mise en œuvre du protocole additionnel au Traité de Non-Prolifération des armes nucléaires et les activités de vérification menées par le chien de garde nucléaire de l’ONU : l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (l’AIEA)[5].

 

Dans un contexte où l’Iran semble, selon le scénario le plus rapide, à moins de deux ans de se doter de l’arme nucléaire, la reprise de discussions constitue donc, tant pour les Etats-Unis que pour l’Union Européenne, une priorité diplomatique afin de maintenir un contrôle sur les activités nucléaires de la République islamique[6].

C’est donc dans un « contre la montre » qui n’a rien d’exceptionnel dans le cadre du dossier du nucléaire iranien que les deux parties ont chacune fait un pas vers la table des négociations la semaine passée, atténuant l’échéance qu’aurait dû constituer l’entrée en vigueur de la loi "Action Stratégique pour la Levée des Sanctions et la Protection des Intérêts de la Nation Iranienne" et relançant les espoirs d’un dialogue entre l’Iran et les Etats-Unis. 

Côté américain, c’est à l’occasion d’une réunion des ministres des affaires étrangères des E3 (Allemagne, France et Royaume-Unis) tenue le 17 février 2021 et à laquelle a assisté un représentant du gouvernement américain, que les Etats-Unis se sont dits prêts à entamer des discussions avec l’Iran afin de permettre le retour des deux parties dans le PGAC et semblent par la même assouplir leur posture précédente[7].

Du côté iranien, l’assouplissement semble de mise également suite à un accord passé le 21 février 2021 entre l’Organisation de l’Energie Atomique Iranienne et l’AIEA et aux termes duquel l’Iran s’engage notamment à maintenir, pendant une durée de trois mois, une inspection partielle et différée de son activité nucléaire par l’AIEA[8].

Si ces deux évènements dénotent une volonté, de toute part du dossier, de retour aux négociations entre l’Iran et les Etats-Unis, il n’en demeure pas moins que les avancées sur ce terrain peinent encore, plus d’un mois après l’investiture du 46ème président des Etats-Unis, à dépasser le stade de simple déclaration d’intention.

Or, un rapprochement entre les deux pays revêt dorénavant un caractère urgent à quelques mois des élections présidentielles iraniennes auxquelles les conservateurs se présentent renforcés par les échecs diplomatiques et le déclin économique mis à la charge des réformateurs, au pouvoir depuis deux mandats.

Dans ce contre la montre, l’Union Européenne et les E3 pourraient bien avoir à jouer un rôle central de médiateur.

Cependant, au regard des nombreuses saillies politiques ou journalistiques iraniennes fustigeant l’attentisme et l’inefficacité de l’action européenne face à la sortie unilatérale des Etats-Unis du PGAC, ce rôle ne pourra être incarné avec efficience que si l’Union Européenne parvient à convaincre l’Iran de toute absence de pris atlantiste.

Or la préoccupation déclarée des ministres des affaires étrangères des E3 sur le programme de missiles balistique iraniens et les activités régionales de la République islamique[9], thèmes phares des demandes américaines, semble laisser penser que les Etats-Unis, qui doivent par ailleurs composer avec leurs alliés historiques dans la région, ont largement l’oreille des européens. 

 

Dans ce contexte, les autodafés de Stars and Stripes risquent d’enflammer encore longtemps les rues de Téhéran.


[1] Les Etats-Unis relancent les discussions visant à restaurer l’accord sur le nucléaire iranien – lemonde.fr

[2] Résolution 2231 du Conseil de Sécurité de l’ONU

[3] Mémorandum présidentiel de sécurité national du 8 mai 2018

[4] Site internet de l’AIEA

[5] Nucléaire iranien : le grand marchandage a commencé - libération.fr

[6] L'Iran pourrait accéder à l'arme nucléaire d'ici un ou deux ans, selon Le Drian – lefigaro.fr

[7] Déclaration des ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique (18 février 2021) - Site du MAE

[8] Joint Statement by the Director General of the IAEA and the Vice-President of the Islamic Republic of Iran and Head of the AEOI – site de l’AIEA

[9] Déclaration des ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique (18 février 2021) - Site du MAE