Quel est l’impact de la BCE sur le placement financier des ménages ?

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Par Raphaël Blonkowski & Valérian Martel (Comité Finance)

Le « Manifeste Pour Le Monde D’après » a mis en lumière l’importance des placements financiers des ménages. Cependant, les épargnantsn’ont pas le sentiment d’être bien accompagnés dans leur choix d’investissement. Le rendement financier semble ne plus être la seule préoccupation des ménages dans leur choix d’investissement. Parmi les recommandations proposées par le Cercle Orion, nous suggérons une aide appuyée de l’État français aux ménages à investir dans des produits financiers à caractère sociétal et environnemental. A titre d’exemple, une nouvelle initiative a vu le jour : le LDDS - Livret de Développement Durable et Solidaire.

Ainsi, malgré les efforts de l’État français, il semblerait que la marche soit encore trop grande. Dans un contexte mondialisé et dans une Europe qui essaie de se reconstruire, nous pouvons nous demander quel est l’impact de la Banque Centrale Européenne - BCE sur le placement financier des ménages ?

Les mesures de la BCE semblent ne s’adresser qu’aux banques et aux initiés et par conséquent ont un impact significatif sur nos placements.

D’une part, les mesures de la BCE facilitent l’accès au crédit : les mesures de Quantitative Easing (rachat de créances), renforcées avec le Pandemic Emergency Purchase Program de 1 350 milliards d’euros, libèrent des liquidités pour les banques et leur permettent de prêter plus aux entreprises et aux particuliers. La BCE acontinuellement assoupli ses critères pour les prêts qu’elle prodigue aux banques (Collateral Easing). La disponibilité du crédit est aujourd’hui maximale.

D’autre part, ce crédit est très bon marché pour les États, les entreprises et les particuliers. Cela est dû aux taux directeurs de la BCE qui conditionnent les taux auxquels les banques nous prêtent de l’argent. Cependant, ces taux bas s’accompagnent d’une baisse de la rémunération de produits comme les comptes courants ou les livrets. En effet, quand une banque émet un crédit, elle le fait notamment avec l’argent placé sur nos comptes, et se rémunère avec la différence entre les taux auxquels elle prête et ceux auxquels elle rémunère nos placements. Par conséquent, si les taux baissent d’un côté, ils baissent de l’autre.

La banque de France estime que les taux bas, voire négatifs pour certaines dettes souveraines, sont une réaction aux taux d’épargne des économies européennes. L’un des objectifs des taux bas est d’inciter les ménages à investir leur épargne, au lieu de la concentrer dans des comptes courants ou livrets non productifs.

Cet objectif fait sens dans la mesure où l’épargne nationale est passée selon Refinitiv de 21% du PIB en 2009 à 25,3% aujourd’hui. L’investissement national représente quant à lui seulement 21,8% du PIB. Cet excès d’épargne et déficit d’investissement est identifié par la banque de France comme étant l’un des principaux responsables de la morosité de la croissance des dernières années.

Et pourtant, malgré les mesures de la BCE incitant l’investissement, 4 Français sur 5 n’ont pas le moindre engagement en tant qu’actionnaire ou prêteur. La frilosité des Français face à l’investissement dans les entreprises a des origines profondes et peut être expliqué par des facteurs économiques et culturels.

Un facteur économique comme celui de la Covid-19 a incité les européens comme le reste du monde à épargner de manière considérable.

L’impact des crises financières : en période de crise, les l’États ont recours à des emprunts de dettes massifs, racheté par la suite par la BCE. Ainsi, les « bons du Trésor » représentent la dette que chaque l’État devra rembourser. Une valeur sûre pour les ménagescontrairement aux actions d’entreprises dont l’avenir est incertain. A titre d’exemple, l’Espagne a emprunté 15 milliards d’euros sur les marchés financiers début 2020. La demande des investisseurs et des banques s’est élevée à 96 milliards, soit 6 fois plus que l’offre.

D’une manière générale, les marchés financiers sont perçus comme trop risqués notamment en raison des crises financières. La fiscalité française sur les revenus du capital est l’une des plus punitives du monde.

Un facteur culturel, comme celui du système de retraite dû au vieillissement de la population française, pèse dans la balance. Les ménages anticipent une baisse du taux de remplacement (système de retraites par répartition) et donc une diminution des retraites. Les populations concernées ressentent le besoin de constituer une épargne supplémentaire pour préparer leur retraite.

Les Français, pour ceux disposant des moyens et de l’envie d’investir plébiscitent par conséquent le marché immobilier, perçu comme moins risqué. Celui-ci est malheureusement un actif illiquide et beaucoup moins créateur de valeur pour la société que l’investissement en entreprise.

Cependant, des initiatives pour faciliter l’investissement des Européens et des Français se développent.

L’État a un rôle à jouer par la législation. Sur le plan fiscal, la situation évolue favorablement : la loi finance de 2018 a introduit une flat tax de 30% sur les revenus du capital, convertit l’ISF en IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) – excluant le capital financier, créateur de valeur. D’autres mesures sont en cours, commel’amélioration de l’accès des ménages à l’investissement en fonds de Private Equity, particulièrement judicieux dans un pays ou de moins en moins d’entreprises sont cotées en Bourse.

Enfin, nous recommandons de poursuivre le soutien de l’État aux banques en ligne et autres fintechs qui se proposent de démocratiser l’investissement. Des plateformes de placement (voire de trading) comme Mon Petit Placement sont un moyen de réconcilier les Français avec l’investissement par une interface ergonomique et facile d’accès.