[Compte-rendu] - Dîner-débat avec Raphaël ENTHOVEN



Le 25 juin s’est tenu le dernier dîner-débat de la saison 2024-2025 du Cercle Orion. Celui-ci était consacré à l’innovation et à la réflexion philosophique en compagnie de notre invité, le philosophe et essayiste Raphaël ENTHOVEN. Après des séquences très tournées vers les enjeux géopolitiques et juridiques qui sous-tendent les grandes transitions à l’échelle planétaire, cette soirée intéressante sur le plan intellectuel a permis de prendre davantage de recul et de distance sur ces enjeux pour penser le monde tel qu’il est.
Les déterminants de la crise de la démocratie
La révolution technologique et les stratégies politiques mises en œuvre par les différentes personnalités souhaitant accéder au pouvoir créent une certaine lassitude parmi la population qui tend à se réfugier dans l’abstention. L’existence d’une vérité scientifique, culturelle, sociale est remise en cause par cette déconstruction des normes et des conventions sociales. La relativisation des événements majeurs qui touchent la nation entière ainsi que la radicalisation menacent la cohésion du pays. Pour ne pas sombrer dans l’anomie, qui facilite la faillite d’une société, il est important de réinventer les codes qui doivent permettre à une société de demeurer elle-même.
Si la « démocratie est le pire des régimes politiques, à l’exception de tous les autres » (Winston CHURCHILL), il convient de revitaliser les codes et les pratiques qui lui donnent corps par l’implication des citoyens dans la vie publique, et de prendre garde à la montée des individualismes comme des revendications égalitaristes. Pour qu’une démocratie se perpétue, il faut donc trouver le point d’équilibre entre des exigences qui tendent à s’opposer, ce qui nécessite de réintroduire la vertu dans la formation de l’honnête homme.
Les conséquences de la caducité du clivage droite-gauche doivent désormais être tirées. Il faut tendre vers une structuration conceptuelle de la vie politique autour des tendances à l’ouverture et à la clôture de la société, tant en matière économique, de sécurité et de libertés publiques. Cette reconceptualisation s’inscrit dans la pensée du philosophe Henri BERGSON (1958-1941) qui faisait reposer la dualité de ses raisonnements entre autres sur cette opposition entre le « clos » et l’ « ouvert ». Cette ouverture n’empêche pas de considérer qu’une démocratie et une Nation solides reposent sur un certain enracinement des membres du corps social dans un ensemble de valeurs, de coutumes et de références partagées en commun.
L’Etat et la démocratie
Pour faire vivre la démocratie, il est toutefois nécessaire que le jugement des citoyens ne soit pas non plus bridé par le pouvoir de l’Etat dont l’action se légitime elle-même par la délibération démocratique. A cet égard, la séparation des pouvoirs est le principe essentiel qui nécessite une particulière attention à l’heure où les décisions de justice sont incomprises et questionnées de manière large, alors même que la justice doit être rendue au nom du peuple.
De plus, les excès de bureaucratie créent de la défiance entre les gouvernants et les citoyens. Il importe que les administrations se rapprochent des usagers et évitent les superpositions de normes qui entravent l’activité économique et le quotidien des citoyens. La défiance suscitée contribue elle aussi à nuire à l’esprit civique et démocratique.
En outre, le traitement de l’information doit demeurer équitable. Dans un contexte où les bulles informationnelles radicalisent l’opinion publique, il est important de lutter pour une information exigeante et contre les procès d’intention médiatiques qui reposent sur des prémisses peu précises. En l’absence d’une information permettant au citoyen de comprendre les enjeux d’une manière complète, efficace et synthétique, le doute surgit et les repères de connaissances sont ignorés.
Dans l’ensemble, la posture du citoyen engagé dans la vie politique ou économique ne doit pas se replier sur un manichéisme fataliste. Pour savoir qui aura un impact déterminant sur la marche du monde, il importe de déterminer qui entreprendra les actions décisives. A cet égard, le Cercle Orion y prend toute sa part en travaillant sur un Institut de la relève qui vise à constituer une nouvelle élite moins technocratique et plus créative.
Ce dîner-débat clôt la saison 2024-2025 d’une manière opportune en apportant un éclairage intellectuel et philosophique sur les enjeux traités avec les invités précédents en lien avec les grands enjeux du monde et de ses transitions, numérique, écologique, géopolitique. Le caractère singulier de ce dîner est à souligner dans la mesure où le profil de l’invité complète celui des experts précédemment conviés.